Madrid, 3-5-04

JE DÉDIE CE POÈME À LA NUIT

Je suis abasourdi
je ne sais que penser,
j’ai à peine envie de penser,
je suis désolé;
caché parmi les ombres,
je renie le soleil,
il est trop beau,
il pourrait m’éblouir.
Je reste avec l’éloignement des étoiles,
aimant cette solitude peuplée.
Ce vers sera le sillage détenu dans ma pupille
d’un dieu puissant et d’une reine
et la nuit ouverte comme une pute;
ainsi, ainsi je l’aimerai pour toujours,
transparente, vide de secrets,
toute pour mes yeux,
lointaine compagnie.

JORGE FABIÁN MENASSA DE LUCIA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17.30 Madrid
Coordinatrice: Alejandra Menassa de Lucia


Madrid, 4-5-04

SEPTEMBRE

D’un côté
la vie se brise en équilibres de douleur.
De l’autre
l’univers est lumière,
ton nom interroge mes lèvres.
D’un côté
le monde est une blessure d’images.
De l’autre
nos corps parlent d’amour.
D’un côté
les cris cherchent un maître dans le bazar de la folie.
De l’autre
je souris en t’écoutant dire
que tu viendras avec la lune 

HERNÁN KOZAK CINO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedi 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego  


Madrid, 5-5-04

TRANSIR LE CORPS AU MOT

C’est une course dure face aux anguleuses saisons :
transir le corps au mot, adieu ineffaçable.

Alouette amoureuse tout sent la terre
je suis l’humus de la désolation et mes mains
comme des racines de l’oubli polissent de subtiles notes
qui naissent dans la mémoire, chaîne sonore.

Des fumiers de l’âme succombent dans les jupes
de hauts sommets rêveurs, je disparais.

Sauges et alcools m’accompagnent la veille de ma propre mort
des immortelles et des héliotropes inaccessibles parfument le paisible corps reposé
qui s’aliène dans l’abrupt volonté effrontée de l’hiver fondant,
cœur glacé, le souffle mortel exaspéré de l’indomptable allégresse pour vivre.

Les toujours ou les jamais sont dans tous les cas
des droits d’exception, de fausses alarmes :
deux points éloignés se regardant entre eux.

La propriété privée enchaînée au désir insaisissable devient corps excédé comme parole
mutilé
des religions modernes et des états archaïques étranglent aveugles l’indigence de l’homme,
de la femme
qui attrapés dans leurs mythes palpables vivent comme des fourmis cancérigènes
dans leurs hauts palais fantasmagoriques, se mangeant impitoyablement les uns les autres
pièces d’un puzzle que personne ne construira aujourd’hui, amours de papier qui découvrent la douleur
inquiétante des heures que nous ne dévorerons pas.

MANUEL MENASSA DE LUCIA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17.30h Madrid
Coordinatrice: Alejandra Menassa de Lucia


Madrid, 6-5-04

LOINTAIN

Je me penche en longueur sur l’ombre
projetée sur les rêves du cannibale.
Amoureux des fleurs sans ailes,
abandonné à la solitude ultime,
je respire avec force cette potion chérie
qui fait de mon corps une voyelle enfuie.
Je mets en morceaux une illusion vile
tandis que je fume la nuit brûlant de solitude.
J’écris mon nom sur le bord du regard
j’ouvre les yeux au futur infini
à l’instant du rayon d’air.
En déchirant  la glace enlacée à la terre
je dessine sur les toits de la ville
mon amour premier, mots de sang
oubliés dans le lointain.

FERNANDO ÁMEZ MIÑA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Vendredi 15,30h Madrid
Coordinatrice: Alejandra Menassa de Lucia


Madrid, 7-5-04

LA MAISON DU GRAND-PÈRE

Le mythique Zeus s’est élevé sur la montagne des dieux
et t’a nommé, petit homme, allégresse des vers.
Il a apporté à ta main un pinceau et a demandé aux aimables Grâces
des couleurs de toutes sortes.
Il a mastiqué son rêve. Il avait tout le temps du monde.
Cronos, le dieu du temps n’avait pas encore commencé à marcher.
Mais Hercule, soutenant le monde, l’univers sur son dos
avait alimenté d’obscurs rêves, de perverses caresses.
Ptolémée ne pouvait qu’imaginer le monde
large et plat avec une mer éternelle tombant dans le précipice.
Et l’amour, rougi, poussant comme une grimpante
tandis que Batman, penché sur le XX siècle, rêvait le futur
incertain des lettres, un monde imaginé peut-être appelé Matrix
frisson sur la colonne vertébrale de l’humain.
La belle Athénée, son intelligence, se promenant, dans les parcs
démolis, détruits de l’histoire, parce que le grec avait
toujours habité dans son cœur précoce.
Les dieux vivaient avec les hommes dans mon enfance,
dans la maison du grand-père, quand la Terre, comme une infatigable grand-mère
logée des textes tissés à la rouille, avec des mains d’aveugle
travaillés en or et en ivoire, cuivre de mes jours, infatigable amour
muet dans le cuir des chaises, logé  dans les fentes
des meubles de salon, dans des rideaux de velours.
C’est pour cela que le bonheur était un mythe, construit avec les yeux
d’hier enkystés sur la peau des jours.

PAOLA DUCHÊN REYNAGA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 19h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 10-5-04

VILLE CRÉPUSCULAIRE

Les gens marchant dans tes veines
circulent, seuls, en couple,

et les adolescents haussent le rythme
avec des rires, des mots et des corps dansant,
tandis que l’on entend les sirènes.

Les édifices illuminés s’hérissent
sur ta peau d’asphalte
tandis que les étoiles éclatent
au-delà de tes lèvres.
Tes pores, entre-ouverts à la musique,
à la rencontre
d’un instant vécu
dans un certain passé.

Tu endors l’aurore,
parmi des rêves intimes
et des chauffeurs de taxi déguisés en touristes.
Quelque bloc opératoire se désespère
à cause de l’inévitable paralysie.
La circulation est alanguie,
ton corps fatigué te pèse.

MONTSERRAT ROVIRA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 11-5-04

MONDE AUJOURD’HUI
 (I)

Des lumières exterminatrices sur la nuit aveugle
illuminent les yeux troublés avant de mourir.
Châtiment du Dieu Impérialiste
pour un péché non commis.
Des jours et des jours stimulant la douleur et l’angoisse.
Vision de destruction, paysages désolés.
Étique des puissants où les méchants
sont toujours les autres.

OLGA DE LUCIA VICENTE
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 19h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 12-5-04

JE VEUX SECOUER TOUTES LES LETTRES

Je veux secouer toutes les lettres.
Déterrer la peur,
briser l’envoûtement,
baigner mon cœur
dans l’eau blanche
et partir…

Une toile non diluée.
vestiges d’un amour
tombé comme en désuétude,
par les voiles de l’après-midi.

Il n’y a pas d’au-delà à mon destin
et je dis : il n’y a rien d’autre,
et l’aiguille sans fil me marque
l’heure sur la peau
comme une couture sans rêve,
et les oiseaux de demain
reviennent à ma fenêtre,
me réveiller
du délire de mourir et de vivre
sans savoir vers où
et partir.

Non, il n’y plus de lignes certaines,
ni musique,
ni lettres qui combinent
quelque mot d’amour.

Il n’y a pas d’au-delà à mon destin.
Il n’y a
que l’ombre
sans sens
de la mort.

ALEJANDRA MADORMO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Vendredi 11.30 Buenos Aires
Coordinatrice: Norma Menassa


Madrid, 13-5-04

LA MAISON

Nous construisons une maison de silence,
propre et grise.
Une maison sans patio
sans fenêtre au vent.
Nous poursuivons l’habitude de souffler
des toiles d’araignée et des souvenirs,
de secouer la poussière,
gisant sur tout
pour ne pas voir le ciel.
De nous dire « pour toujours »
et éluder bêtement
la certitude du temps.

Sur la photo jaune
ces deux-là qui rient,
sont tombés du rêve.
Aujourd’hui la maison les regarde
de ses yeux sceptiques,
avec un rictus si têtu…

Moi, je voulais ton rire
parfumant la nuit
j’ai trouvé tes creux.

PAULA MALUGANI
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 19h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa

Madrid, 14-5-04

JE COUVRE LA DISTANCE

Je couvre la distance entre toi et le monde.

En miroir depuis la fin de l’image,
sur les bords de l’amour,
tu voles sinueuse à raz de surface, légère,
comme tout ce qui tend à sa fin.

Jaime Icho Kozak
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Dimanches 11h.
Madrid
Coordinateur : Miguel Oscar Menassa


Madrid, 17-5-04

PERSONNE NE VEUT OUBLIER

Les paroles
en sang étouffées
gisent en silence
gonflées de désir
attendant patientes,
arrachant des draps de fluides secs
de cruauté ignorante.
Le champ de bataille
ne dessinent plus de cadavres,
de timides herbes germent,
se superposant,
elles veulent effacer le souvenir
de la catastrophe.
Temps difficiles.
Des chrysalides ouvertes à la lumière
poussent fidèles
à leur précepte caché.
Des lambeaux de peau
pendent du bastion puissant
commandant des vies,
de piteuses trajectoires
pleines de solitude.
Personne ne veut oublier.

MARISA RODÉS PUEYO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


 Madrid, 18-5-04

J’ENTENDS SA RUMEUR

J’entends sa rumeur
ses projets de m’étreindre
sur de belles danses.
J’entends le bourdonnement
de son cœur parmi les roches.
La flamme que j’allume dans la tentative
de l’appeler.

J’entends le sexe bramer,
fugace, dans tout le corps,
et tenace conspirer
contre ma poitrine
déjà sans force.
Tout est douleur et jouissance,
tout air corrompu
conversations
au bord de l’amour.

KEPA RÍOS ALDAY
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salmanca Gallego


 Madrid, 19-5-04

OREILLER DE PLUMES

Quand je reste seule
j’appuie le destin sur les épaules de la lune
et je lui invente un voyage.
Fable de la vie.
Pleurez mes violettes
avec des larmes de pierres rouges
avec des perles enchaînées à la pluie
pour rappeler la nostalgie.

Aujourd’hui je dis non à tout,
à ton regard brisé,
à tes yeux tristes
à ton manque de courage
à ta peur.
Alors je tremble et je tombe
et je ris et je pleure et je marche
dans l’épaisseur de nos pas
sans apercevoir de signaux de secours
et je continue à écrire.

Cette nuit est le passage du temps
dans le vide.
Tout est blanc
rien n’est véritable.

J’enfile l’illusion pour dormir cette douleur
pour tromper l’âme.

Quand je suis seule je me rappelle comment
tu donnais l’amour que n’avais pas
et que tu inventais pour moi.

Aurore infâme
de plume rouge
de sang
secoue cette peine
et pleure mes violettes.

MÓNICA LÓPEZ BORDÓN
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Dimanches 17h Alcalá de Henares
Coordinateur: Carlos Fernández del Ganso


Madrid, 20-5-04

TEMPS DE PAROLES

Hier nous avons parlé
et je t’ai trouvé différente,
comme si tu marchais près d’une question,
de ta parole insensée, mais pleine d’avenir.
Tu flottais amusante, tu tombais courageuse
loin de toi, mais près de tes choses.
Et tu me semblais une question blonde,
en réalité couleur de personne.
Parler
comme le drapeau
quand l’air devient vie.
Voilà ce que tu faisais.
Et j’aimais ta simplicité de lèvre.
Sans effort
tu as déroulé les yeux ouverts

Et sans le garder,
tu avais ton coin, vivante. 

SERGIO APARICIO ERROZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 21-5-04

BONNE TENTATIVE

L’âme de ce vers
s’est perdu avec l’arôme de la cannelle.
Mantille de sang
met les œillets un à un
sur le volcan de l’oubli.
Silence dans les aimables rêves de la nuit
comme des bouches qui enlèvent peu à peu
les blessures des prisonniers de l’éternel hiver.
Les corps, désirs de changement,
peuplent et enferment les danses de la paresse.
Là où les barbares penchent
leur cœur de plomb,
les femmes abandonnent brusquement
les rires d’un remord.
Mais le poème continue
dans l’intention de décliner un adieu.

C.CRISTINA FERNÁNDEZ ARGUDO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 15h15 Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Galleg
o 


Madrid, 24-5-04

LE FANFARON

Nous avons voulu mourir au même instant,
garder sur nos rétines la même image,
qui donnerait un sens à notre vie.

Nous avons voulu mourir et c’est tout,
devenir air,
eau, terre.

Devenir indivisibles, impérissables.

Nous avons voulu mourir entre l’hiver polaire et
l’étouffante chaleur du Sud, pour fondre, dans la
même larme immaculée, chemin de la verte mer.

Nous avons voulu mourir et nous sommes morts sur le contour
même, du même mot.

LUIS RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 15h15 Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego 


Madrid, 25-5-04

TOUS LES ENFANTS DE SON ÂGE

« Cette houle sourde
n’aura jamais de fin
 »
Wallance Stevens

Ils sentent le chewing-gum
le pain à la margarine,
l’absence des dents de sagesse
sans la monstrueuse mâchoire d’antilope d’adultes
j’ai mal à leurs poignets inachevés d’adolescent centenaire,
le visage indéfini semé de boutons entre le nez et la bouche
la pelote de la gorge emmêlée
dans une contraction de pleurs.
Il ne savait même pas sa tâche
commander des caravelles à travers les décombres de Buam
clouer des sillages sur le banc de sable des ruines
il projetait en secret de grandir le plus vite possible
pour devenir réceptionniste d’hôtel
distributeur de télégrammes ou astronaute,
ceux qui nagent tête baissée
sur la poussière du garde-manger de la lune.

ROSA GARCÍA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 15h15. Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 26-5-04

NE LE DIS À PERSONNE

Ne dis à personne mon secret,
il est aussi inavouable
que la peur qui hurle aux fenêtres
capable de rétrécir les yeux comme des rayures.

Je porte des pleurs comme de l’eau distillée,
qui s’étend doucement sur mon visage.
Personne n’est surpris par le grelot
de la lettre jamais envoyée.

Je pourrais parler de toi, de l’autre côté de la porte
ou de moi, de ce débit de rio bravo
ou d’une autre brise obscurcie qui redoublait
d’amidon sur mon oreiller.

Bien que je les ai connu il y a des siècles
je ne sais pas où ils se cachent,
ces désirs de ma chance
cette patrie de pierre moisie.

Si je te lis dans mes vers,
que je suis une petite fille, que je suis seule,
ne me crois pas si je te dis
que je navigue sans boussole ni guide.

Je suis plongée dans une vague
les eaux m’agitent, les vents
les marées, le sable,
et les chants des oiseaux
annoncent de nouvelles rencontres.

CARMEN ORTIGOSA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Dimanches 17h Alcalá de Henares
Coordinateur: Carlos Fernández del Ganso


Madrid, 27-5-04

SONNET DE L’AMOUR DE LA GUERRE

Hier un bruit de bombes, un fracas,
les cris d’un enfant quand il se retrouve seul.
Cris de mère perdant ce qu’elle a conçu
cris de pères de famille sans famille.

Hier tandis que toi et moi nous fabriquions des rêves,
tandis qu’en roucoulant mon corps étreignait
le tien comme ce moribond
la dernière vie qui lui reste…

Hier un soupir d’amour et un sifflement
de missile ennemi empoisonné
sillonnant notre cour et notre âme.

Hier un gémissement d’amour et l’éclatement,
de mille fruits de haine et de violence,
atteignant le lit où nous dormons.

ALEJANDRA MENASSA DE LUCIA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 19h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 28-5-04

ILS ALLAIENT ET VENAIENT

Ils allaient et venaient de la douleur
frôlant à peine la mémoire.
Ils commerçaient à tue-tête
avec la pudeur, univoque
de la défaite.

Comme des souches plantées
dans le vide sous-sol de l’amour,
ils couvraient diffusément l’habitude
de nicher en plein vol.

Ils ont toujours payé leur erreur :
consentir le jeu
et, ensuite, aveugles,
déserter le point final.

Carmen SalAmanca Gallego
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 19h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa  
 


Madrid, 31-5-04

UN CIEL NU

Nous sommes habitués au silence,
as-tu dit calmement
alors que tes doigts caressaient la nuit
et ma ceinture était un violon buvant de tes lèvres.
Laisse sur ma peau ta coupe de diamants
le squelette parlant qui irradie les parfums de l’amour.

Mets entre mes jambes la lettre égarée dans son sens
le nom qui témoigne la mort des choses,
ton visage vieilli
par le temps des contradictions.

CRUZ GONZÁLEZ CARDEÑOSA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
 Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Selección de Poemas Inéditos

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