Madrid, 5-5-03

RECRUTE-MOI

Cristal et roc est un homme,
les bombes, ma chérie, ne le tuerons pas.
La faim ne dérangera pas son corps
parce que son corps est pur métal.
La soif ne séchera pas sa peau,
parce que l’homme dont je te parle
n’a pas besoin de boire.
C’est un homme de pierre: rien ne le blesse,
rien ne l’intéresse. Il sera là quand tu le tueras.
Son corps sur le sable aura le rouge
de tes lèvres embrassant l’univers
et sa peau, couleur charbon,
allumera dans ton cœur comme une flamme.

Recrute-moi, allons mon chéri,
mets tes mains sur mon corps,
aime-moi. Mets des couleurs à la mort,
laisse entre tes doigts disparaître ma douleur.

CRUZ GONZÁLEZ CARDEÑOSA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17 h.
Madrid
Coordinatrice: Carmen SalamancaGallego


Madrid, 6-5-03

À VOIX HAUTE

Au fil de l´amour
gît taciturne
au coucher du soleil,
un cri de guerre.

Doivent mourir
les esclaves amants
dactyles vierges
comètes repenties
papillons ankylosés
qui ne savent rien
de l’infini pouvoir des astres.

Ne vous arrêtez pas !
Il reste encore des pleurs d’enfants
orphelins de mots,
sous les pierres.
Tuez les silences
tuez hommes pères
le souvenir d’un fils
né pour mourir.

Pleurez à voix haute
chaque balle faite cible
dans la poitrine d’une jeune femme ;
sauvage mercenaire de la vie
violeur sans prison
rampant dans le désert.

MAGDALENA SALAMANCA GALLEGO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego 


Madrid, 7-5-03

RECRUTE-MOI

Tout doit commencer ainsi.
Une grande pile d’os et de têtes de mort
et un enfant à ses pieds, tout entier indiqué
pour ouvrir de ses ongles la terre
et enterrer cette douleur non mourante.
De la tombe surgit un très beau jardin
et les fleurs semblent  avoir extrait
d’entre les sels, ces sourires magnifiques
des disparus.

La tige dure attend.
Avec lui la fleur vindicative et la racine
ancrée à la terre la plus coléreuse
très bel engrais de la chair.
L’enfant chante tandis qu’il travaille
et chante le ver dix mètres plus bas,
et chantent les drôles de têtes de mort
dix mètres plus haut.

On a promis à l’enfant tout entier indiqué
qu’il serait avec les fleurs
quand il aura terminé son travail,
on lui a guéri d’amour toutes les blessures.
S’il chante c’est pour que sa voix fasse son chemin
dans la terre méritée, et sa chair, tendre encore,
transparente, chante pour mourir en chantant,
à dix mètres du ciel
et de sa vie.

ANDRÉS GONZÁLEZ ANDINO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17 hrs. Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


 Madrid,  8-5-03

 LES OS SECS

Le poids de rien comme un poing ne frappe
personne,
sépare les yeux de la main
et la fait errer,

la main nous condamne.

Les os sont alors
d’horribles cordes d’un violon
qui percute seul
et cesse d’être symbole ni musique
ni taille ni bois et délire
attaché à un ruban funeste

et nous nous sommes juste,

exactement,

perdus dans la haine, démunis
et il frappe et frappe
comme un reste tordu et des jours plus tard
le poing renie la main.

Si nous la laissions parler
nous écouterions des voiles,
des transatlantiques, des ventres,
des boas opprimant les mandibules,
des décombres

et surtout,
ce qui de la colère est démuni.

PILAR GARCÍA PUERTA
École de Poésie Grupo Cero
Ateliers Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 9-5-03

NOSTALGIE

Elle, notre toujours douleur
présente en maisons de briques,
ferme et éphémère acidité
entre les voiles du front.

Elle, qui arrive sans demander de rançon
nue d’offrandes,
velours bleu qui d’âme
s’installe dans l’équivoque mémoire.

Elle, la nôtre unique
et absurde placard
qui alimente de retours
son départ de juge en sentences.

Embryon et nacre depuis
le projet, silhouette
en noir et ses cris
de veillée funèbre aux nouvelles.

Comme un cordon d’os,
accordéon muet qui
donnera soutien et fibre
au destin dans sa démarche de silences.

Elle, qui en semant de
commentaire les cyprès
fera germer d’autres vies
d’un autre animal univers.

Elle, la nôtre
la sans limites précises
au corps vierge de trous
où s’installe le souffle et son absence.

Elle, l’éternelle fiancée,
notre promesse infidèle d’être,
peau et air conjuguant en fantasmes,
toiles de pierre et de mousse.

Vivace, elle, dans le vieux sapin,
dans sa racine de jamais, et aussi
dans les viscères enterrées
d’ossature nue d’histoire.

CARLOS FERNÁNDEZ DEL GANSO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 19hrs
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 12-5-03

RUMEURS

Lascive et errante, la ville
sent la sève, invente les trottoirs,
met des enfants dans un parc de banlieue.
Ferme des frontières au vert des
champs, rumeurs d’une nature
révoltée. De l’eau, crient-ils, de l’eau et
des mains fortes pour arracher les
racines pourries, les fruits de ma
misère! Pour ton amour sont mortes
les maisons, les réservoirs ont pleuré de la boue,
les chemins sont des carrefours sans
village. Je suis un serpent enroulé à
ta ceinture. Ma langue siffle les noms
perdus,  s’étonne de ta férocité.  

CONCEPCIÓN OSORIO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 13-5-03

AUCUNE ÉCHAPPATOIRE

Cette fois-ci aucune échappatoire
corps à corps avec la lettre.

Qui osera dire à la page blanche
                                                je suis là
et mon véritable moi n’a ni la couleur de mes yeux
                                                            ni même ma voix ?

Mon véritable moi pourrait être signé par n’importe quel nom
parce qu’il t’appartient, poésie.

Qui chaussera les bottes de sept lieux pour atteindre un son qui n’a jamais été?

Qui reconnaîtra sa propre impuissance
et au même instant fera un pas de plus?

La plage s’est retrouvée déserte
mais la page blanche s’est remplie de rumeurs
le cœur s’est vidé de son sang
mais le vers s’est gravé au feu      
                                                sur le temps.

Claire Deloupy
École de Poésie Grupo Cero
Ateliers Samedis 19h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 14-5-03

RECRUTE-MOI

Sous la loi
de ton aile voyageuse
j’irai milité en ordres de temps.
Soldat de ta voix,
des armées de nuages
partiront en dessinant ton visage
pliant leur ombre contre le ciel.
Mon corps, pierre qui bat ensevelie dans sa matière,
pulsation immobile des cycles infinis,
ce sera ce mot ardent entre tes lèvres,
ces mains convoquant la substance de ton sexe,
le luxe de ta poitrine vibrant dans ma poitrine.

RUY HENRÍQUEZ
École de Poésie Grupo Cero
 Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 16-5-03

LES JOURS QUI PASSENT

Ils sont brume,
scandale des lèvres,
moteur de notre témoignage sur la terre,
boue, peut-être,
lieu des rêves perdus.

Agrestes et indomptables
ils déguisent leur rythme avec celui des souvenirs
et sauvages ils nichent dans notre cœur.  

Les jours qui passent, passent,
disparaissent,
cependant, nous gardons leur cendre
éparpillée dans la mémoire.   

EVA MÉNDEZ HERRANZ
École de Poésie Grupo Cero
Ateliers Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 19-5-03

QUI

Qui alimente mon monde peuplé de mensonges et d’impossibles?
Qui s’approche de ma vie et tous les lieux
aperçoivent dans leurs miroirs les tempêtes qui se rapprochent?
Qui se sourit et comme un fou le matin
où les vents font silence,
court endormi, à la recherche du son
qui aujourd’hui aussi sera absent?
Qui n‘allume pas le feu
pour anticiper sa mort dans les cendres?

Obscurité, sois prudente d’attaquer les lumières
que toi tu n’allumes pas.
La ferveur pour le possible, accumule mes larmes.

Et si ce n’est pas cette nuit, où aucun lieu
n’est habité par les lutins de mon esprit,
quand viendront-ils me prendre,
quand arrivera la mort?

Donne-moi tes désirs Poète!
Viens me chercher, emmène-moi avec toi!

Cette fois-ci je m’abstiendrai de prononcer quelque parole,
je ne demanderai pas où nous allons
et si le désir d’arriver m’inonde le sang
et l‘évidence de cette ferveur me fait échouer devant le roi,
j’espère avant de m’enfoncer dans le marais,
avoir ramassé le dernier masque.

Je ne verrai plus rien se répéter, ni mon visage.

Je m’approche des rives de lointains océans,
et je cherche les dernières clartés,
le vertige d’être arrivé à rencontrer la vérité,
et de l’avoir oublié.

LUCIA SERRANO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Dimanches 11h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa
Du livre inédit « Masques »


Madrid, 20-5-03

RUMEURS

Il est un espace où la vie
se sépare de ses rumeurs,
où la larme s’échangent avec la sueur
un monde qui cherche sa peur parmi la douceur du néant.

L’air y règne, chaleur éternelle,
dans l’aphrodisiaque étincelle de la misère.
Les justes s’allongent, ensemble,
ligne de cadavres endormis. Dans cet antre
la mort respire modérément.
Les murs suintent une énergie nécessaire,
l’atmosphère s’approprie
pour se régénérer des symboliques épreuves
d’une vie mendiante.

Dans l’obscurité, même le temps s’éparpille
en fines couches, établissant une apesanteur
éméchée.
Les justes lèvent la tête sans notion
du mouvement,
ils jettent un regard humide
aux mots qui s’entrecroisent
dans l’inconnu,
reposent leur corps, acquiescement
répété.

L’air ne leur mendie que de petites doses
de vapeur pour continuer
à proclamer sa survie.

CLÉMENCE LOONIS
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 21-5-03

LA MORT, LA VIE

La mort a le visage symétrique des bêtes,
sa voix est un écho répété à l’infini une seule fois.
Sa bouche, une grimace en mille morceaux,
Une estafilade sanglante sur la peau.

As-tu écouté un mensonge plus contraire,
une vérité si particulière?

Je t’écris, je te dis,
je veux te prévenir avant que la meute arrive,
avant que le temps efface ce regard pour toujours :
Sable,
sable est la vie,
sable clair quand je chante,
cristaux quand je pleure.

Je t’écris, je te dis
je veux te montrer que le lit du fleuve s’ouvre à cette heure
cette nuit qui a perdu le poids du soleil,
aussi légère qu’un cavalier furtif
dans ces draps de l’aurore qui naissent à la vie
de chaque obscurité.

MARCELA VILLAVELLA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Vendredi 11.30 Buenos Aires
Coordinatrice: Norma Menassa  


Madrid, 22-5-03

UNE MONTRE POUR LIRE LA VÉRITÉ

Tu as su que tu avais un cœur
quand l’hiver est arrivé, à ta montre
en nous voyant, toi et moi, brisés de douleur face à ta tombe.

Tu as su tes jambes aimées, ton sexe,
en touchant la solitude à contretemps,
en écoutant un grincement d’os où il n’y avait plus d’os.

Tu as su la chaleur de mes mains,
en peuplant tes yeux de chambres vides,
en esquivant des souvenirs où avant se trouvaient mes chemises.

HERNÁN KOZAK CINO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 23-5-03

L’AMOUR BRÛLE-T-IL?

Peut-être ne vois-tu pas que je brûle
comme une flamme sans futur
sable dans la tempête
demain sans aujourd’hui
sac sans cadavre?

En temps de guerre
seule la poésie prie pour nous
la musique rit dans le cœur
la nuit revient le lendemain.

La distance
n’écourte pas les rencontres.
Quand les corps vivent terrifiés
comme une aurore éternelle
on oublie que le rêve est vie
et la mort un repas délicieux entre les mains
parmi des désirs invariables
clamant un sol.

J’ai l’habitude quand je parle
d’ouvrir les lèvres comme pour le baiser
de fermer les yeux comme pour le rêve
de parcourir les versants de l’abîme
comme pour l’amour.  

L’amour se dirige vers mon corps
depuis un autre corps
pour que ne tombe pas dans l’oubli
qu’il n’y aura pas de demain
qu’il n’ouvre pas les portes d’hier.

AMELIA DÍEZ CUESTA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 19h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa 


Madrid, 26-5-03

UNE AME D’EAU

Travail abrupte sans fond connu
baume et joie cachée
je trace un trait et un autre et quelque chose de plus,
amortissement prolongé,
visages ambiguës
et le balayage incessant du temps que je vis.
Immersion
dans la mer la plus folle, celle qui touche toutes les côtes plus une,
dans la montagne escarpée, dans les obscures grottes lointaines
où aucun rituel n’est étranger ou étrange.
Dans l’air propre et dans celui qui écœure.
Parcourant les rues d’une ville sous la pluie, sans angles, ni croisements
où habite l’espoir, le désir sans trêve.

En traçant un cap à la perforation invisible
avec une âme d’eau enlacée à la pierre.

MARÍA CHÉVEZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Dimanches 11h Madrid
Coordinateur : Miguel Oscar Menassa
 
De son prochain livre "Vigueur du temps"


Madrid, 27-5-03

METS TES HABITS DE FÊTE

Mets tes habits de fête pour la cérémonie de l’extermination,
la tombe a ouvert ses mâchoires, elle t’appelle sans trêve.
Située tout au bord, avant de chanceler,
tu auras cessé de t’appartenir.

S de la victoire, l’a amené en compagnie.
Et ce tourbillon qui se retrousse sur les jours,
qui m’emmène si loin que personne ne me voit.
Des mots en tulle d’amiante l’ont vu vomir.

La tombe a ouvert ses bras, appelant sans trêve,
chaude comme le fleuve qui boit la gorge
elle a obéi à ses mains qui voulaient peindre.

STELLA CINO NÚÑEZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Dimanches 11h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 28-5-03

OÙ?

Où est ta dignité d’homme,
le mot que tu projetais dans ton cœur et qui se courbait
quand l’amour embrassait les abîmes
cette terre de personne là où défilaient devant tes yeux
des après-midi calmes, languissants après-midi où
le son d’une cataracte jaillissait
sur ton front plein de miroirs
ta main attachée, la mémoire rangée
tes mots volant dans l’immensité du temps.

PAOLA DUCHÊN REYNAGA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 19h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 29-5-03

ÉTOILE

Sous une coupole de vers
j’ai rêvé,
à l’abri du vent
des mystères de romarin et j’enfile.

Sans descendre de la bourbe,
j’ai nagé
le teint tâché
par des augures sans spectre.

Une étoile précoce
m‘a offert
un sentier pour faire:
de la magie au bord du miroir.  

Fond rythmique,
les gouttes du temps;
pour abri, la nuit froide de janvier.
Le battement de tes mots sur mes seins,
j’ai fermé les yeux et je t’ai vu,
te berçant dans le coin de mon désir.

Ombre de lumière imperturbable devant le silence,
ta bouche a marqué les heures,
en tissant des poèmes de baisers.
L’homme a cavalé sur ta voix
et la trace de ces doigts
dans mes cheveux m’a enivrée.

J’ai bu la soif d’amour dans les rues de ton corps.

J’ai chanté en silence.
Te rappelles-tu la gare des souvenirs?  

MONTSERRAT ROVIRA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 30-5-03

CONTE

Quelqu’un
A marqué mes mains
au feu
et aux cendres aussi.

Quelqu’un a brûlé de l’encens
au bord de la rivière,
alors que l’après-midi
tombait sur mon ventre endormi.

Quelqu’un a dit : il est six heures
et nous avons couru épouvantés
devant l’orage.

Nous n’avons rien su du monde
que des mots épars,
des vins répandus sur l’oreiller,
désordre de vêtements et de cheveux
rires complices,
et une couronne de blé
ornant le front
de la petite fille du tableau,
dans ton dos.

Quelqu’un a dit : il est tard.

Et un nuage a inondé mes yeux
qui pleuraient tes baisers
et le silence
ah, le silence…
Unique témoin.

ALEJANDRA MADORMO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Vendredi 11.30 Buenos Aires
Coordinatrice : Norma Menassa  


Selección de Poemas Inéditos

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