Madrid, 2-6-03

À CONTRE-JOUR DU TEMPS

C’était une douleur aiguë celle du silence,
elle a voulu faire taire aussi le sang bavard,
rigidifier le corps de l’amour.
Cette après-midi-là, l’absence, devenait irrespirable.
Le coup de feu imminent a été la fièvre,
l’immanente présence de la montre.
Nous sommes restés face à face
éveillés, à l’abri de la voix…

Je t’ai vu ensuite, quand le rêve resplendissait
les baisers ouverts
et les lèvres, au fil de l’amour.
Avec des mains de soif et de lettre je l’écris
et je vise directement ton cœur:
douleur est un mot en éclipse de silence,
silence est un mot qui vient de mourir,
mais la mort non,
la mort est cendre et vent;
c’est le trou de feu
qui nous guette,
à contre-jour du temps.

PAULA MALUGANI
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 19h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa   


Madrid, 3-6-03

UNE AUTRE JUNGLE

Elle aimait ses petits contre-temps
et disparaissait se serrant contre ma joue
dès que l’ombre qui dessinent les baisers s’insinuait.

Aucun pli désert au-delà de la nuit
dans des bouches d’épis sans lumière.  

Son rire la soutenait dans une autre jungle
dans la multitude qui agite
des remous de solitude
nue et palpitante attendant le frisson
éclat qui la ferait respirer.

Elle trouve des chemins dans les broussailles
lumière diffuse
étonnante absence de l’après-midi
le fond de l’avenue
du respect et les bonnes habitudes.

Jaime Icho Kozak
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Dimanches 11h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 4-6-03

RUMEURS

Nus nous nous débattons
dans un corps à corps désespéré.
La nuit
immense
nous regarde.
Épuisées et brillantes
peaux tannées
à la merci d’ambitieuses lèvres
chaudes
humides.
Les baisers
rien que des rumeurs
dans la nuit obscure
enveloppante.
Des pétales de roses renfermés
contemplent le ciel implacable
giflés par l’air
qui dévaste cette terre de personne.
Dans le décor le silence
de doux chuchotements
prédisent la date limite
de ce moment insondable.
Demain
le vent ravagera
les vestiges
de la nuit étoilée.
Et la bataille muette
de corps
ne sera qu’un souvenir
parce que dans le cœur
de la terre vide
le roi est l’oubli.
Il ne faut
qu’écouter les rumeurs.
La rivière sans trêve s’écoule
les grillons s’annoncent
l’ample désert obscur
envahi par un calme mouvement
où tout est écrit
et à écrire.
Brise de portées
dans la pénombre ténue du bois
et comme se devinant
un aigre arôme
de jasmins morts.

MARISA RODÉS PUEYO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego 


Madrid, 5-6-03

UNE MONTRE POUR LIRE LA VÉRITÉ
                                                                                              Anaïs Nin

Ivre d’infâmes adieux,
à toi que j’inclus dans la paix que violemment je désordonne
quand dans ma colère j’embrasse
les échos de la débâcle interceptée.

Par tes cheveux inter-nautiques la sève
coule en molécules fertiles.
Tu enfonces ton museau dans des gerçures suturées
tu invoques l’avarice avec le sang.

À toi mon amour le despote confesse
toujours avec un soin ardent ses craintes,
et à tes cris et cruelle attaque
les pâles ténors lâchent les brides,
des pages herculéens de bonté feinte.

Tous les deux
chacun avec chacun, entêté et convenable,
l’habileté et l’acharnement à leur balcon se penchent.
L’un avec de saillantes embuscades,
l’autre avec d’énormes pustules.
Main dans la main ils boivent
et s’apitoient
mutuels et enlacés
leurs trois visages. Faciès de celui qui rugit,
de celui qui boit, et de celui qui ne trouve ainsi aucune consolation
dans l’inquiétante sépulture de sa bien-aimée.

Toi, tu es hirondelle, j’ai compris.
Tu brilles sous le Soleil
quand les douces gouttes de sel la mer de mai répand
et à ma bouche tu offres le pâle éclat de ton sexe
avec cette nudité qui annonce de vertes jantes.

Ah ! Tu es la vérité catégorique dont rêvaient
des grecs intrus dans le monde des âmes.
En toi l’obscur cyclope son sperme germinal répand
quand entre océans et calmes tu agonises
comblée d’œuvres viles et de faux.
Tu es l’héroïne qui inspire à mes plantes
une ardente fraîcheur et de la jouissance
et tu piques dans les plaies des morts
et dans les vivants
un amour dressé et tes parfums
tu protèges tes obscurs descendants.

Me voilà trivial comme la matière
devenu ferme et heureux dans cette fête.
Et si mes bras  bœufs étaient , vaches maintenant
fétide beauté et large bave
je désire de ses deux vautours trois marteaux
avec lesquels ouvrir cette porte aux sens.

Que font ses éclats là dans mon aurore?
C’étaient, ils ont été de l’amour qui pourrait être
maintenant ils sont moquerie, ils sont mensonge,
ils sont fait de rien,
ce sont des mots
maintenant sans vers.

KEPA RIOS ALDAY
École de Poésie Grupo Cero
Atelier samedis 17h Madrid
Coordinatrice:  Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 6-6-03

EN CE JOUR ILLUMINÉ

Aujourd’hui en ce jour illuminé, heureux
où la joie se dissipe
dans chaque souffle, je t’écris.

Je ne peux pas moins
que me déclarer vivant :
je verse sur le papier
toute la joie,
Pablo bien-aimé.

C’est pour ça que les mots et la vie
s’enchaînent dans une danse mortelle
parce qu’il s’agit de l’homme
dont je parle:
celui qui se construit dans ses vocables
des lettres comme de l’acier
se fondant dans la blessure
celui qui glisse
par le fil fin
de la solitude
qui propre et soignée
accapare ses peurs
et construit son bonheur.

Parce que je ne suis pas venu te pleurer
je t’écris,
depuis la partie la plus superficielle de mon être,
depuis ma peau ultime
sur les vastes rives de mon âme :
je rêve de la jeunesse emportée
et j’espère ne pas succomber aux rêveries
où renaissent les cendres de l’ennui.

Tu as été pour moi dans l’aurore des jours
le bras inébranlable qui berçait
d’une passion indescriptible, mon enfance.
Tes mots sont devenus nécessaires
à ma  croissance..

Vous vous rappelez
je suis né le jour où naît
le corps souffrant du chrétien,
une douleur profonde me traînait
vers la mort.
De chauds soupirs ont peuplé
le cours statique de mon visage
des arbres cultivés avec amour
dans la saignante ligne de l’oubli ;
ils ont été exécutaire testamentaires de guetteurs
sur mon corps emprisonné
et j’ai grandi vertigineusement
dans les tendres regards
du joug de mes frères
qui ont fait de mes peurs
leurs surveillances.

Aujourd’hui, en ce jour
où la joie
naît directement de ma poitrine
et sillonne frénétique mes veines
dans l’attente de nouvelles odeurs
je sais que je la partage avec toi
                                                poète,
-je me souviens d’avoir assisté
aux derniers tremblements
du visage de l’homme,
et c’est dans tes mains
poète  bien-aimé
que nous naissons
comme mot
dans le sentier luminique
de la poésie.

Aujourd’hui en ce jour où la joie
ne s’habille pas en deuil prosaïque
je répands toute la douleur sur ces pages
et par-dessus tout je me réjouis
de penser que toi aussi
tu aurais voulu que ce soit comme ça.

Un poète
a mis délicatement
dans la bouche de la mort :
le mot écrit
a toujours gagné la partie.
Le grand chef indien
a signé la paix:
un homme meurt à peine
si un autre homme le nomme.
Et celui d’à côté a dit:
ne jamais penser être arrivé nulle part

l’homme est cet être qui se trompe
même dans la date obscure de sa mort
est tombé des lèvres
de la plus belle des poètes
et les reines du verbe ont aussi parlé,
l’une a dit :
c’était Pablo,
d’une famille de poètes
l’autre :
il y a un retour de pages
et l’histoire continue.

Aujourd’hui en ce jour où
le bonheur cavale déchaîné
sillonnant nos sens
je reconnais les visages de ton nom,
avoir prononcé les mots
et les parler dans toutes les langues
n’a pas été suffisant
pour trouver mon corps,
mort bien-aimée
tu m’attendras, si c’était nécessaire,
jusqu’à ce que j’écrive l’ultime poème.

MANUEL MENASSA DE LUCIA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17.30h Madrid
Coordinatrice: Alejandra Menassa de Lucia  


Madrid, 9-6-03

LA NUIT S’EST BRISÉE

La nuit s’est brisée
Rougie par la passion
Et il en est resté des poèmes nus.
La nuit s’est brisée
Traversant des gorges.
Je respire du désir
Dans des violettes invisibles.
Étoile de lampe à huile
Bise tranquille et posée
Lune de vent
Et soleil d’aurore.
La nuit s’est brisée
Attrapée dans le futur
Je vis un présent inouï
La nuit s’est brisée
Et j’ai crié
En demandant des explications à la solitude.
J’ai pleuré la nostalgie
Et les mots m’ont fait du monde.
La nuit s’est brisé
Et comme un bûcher blanc
J’ai tracé
Avec des mains de soie
La passion du monde
Sans hasard
Et
La nuit s’est brisée.

MÓNICA LÓPEZ BORDÓN
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Dimanches 17h. Alcalá de Henares
 Coordinateur: Carlos Fernández del Ganso


Madrid, 10-6-03

JE N’AI PAS COMPRIS

Je n’ai pas compris que le vent,
constructeur d’ombres,
lentement s’étrécisse
en se transformant
en une aveugle éclipse de temps.

Je n’ai pas compris que la terre
absorberait, impunément,
des silences oubliés,
des chemins de la vieillesse perdue.

Je n’ai pas compris,
mais j’ai écouté dans tes yeux
des bruits de jungle,
comme des échos d’un rythme irréversible,
et mille caresses de peau aiguisée.

Je n’ai pas compris,
et cependant, druide,
ta voix fut douce,
minuscule tact de soie,
orbite de manteau.

Mª ROSA PUCHOL PÉREZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 11-6-03

ILS M’ONT RECRUTÉ

La poitrine agitée de cette femme joyeuse
est un enseignement qu’il n’est pas nécessaire de comprendre.

Je la prends comme on prend un peu d’eau
avec les premières mains
bras ou rouges ailes de chaque jour.

Moi, je ne suis rien venu comprendre.

La présure et la chanson
c’est tout ce dont j’ai besoin
et je l’attends avec le sang, en le lisant.

Peu à peu, elle est dans mon giron et dans mon ombre
mais elle est toujours aux autres.

La chair que j’aime contre les épées du futur
n’a jamais été mienne.

SERGIO APARICIO ERROZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
 Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 12-6-03

ESPACE DANS LES MÉTIERS À TISSER

Je pourrais me laisser écrire
pour toi, une nouvelle pensée
qui est déjà mot
dans le corps de l’homme imparfait.

Je pourrais éclater de haine ,
alors que les sources vides de tes doigts
parcourent soigneusement
un désir étranger à ce qui convient.

Je pourrais être cent, mille
toutes en une femme,
parce qu’en attendant les cristaux d’épingles
je borde doucement les métiers à tisser
de ma rencontre.

Les fleurs de couleur mauve
que nous apporterons écrites
sur la feuille blanche
qui nous a concédé
l’éternel baiser de l’amour.  

C. CRISTINA FERNÁNDEZ ARGUDO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis: 15h15 Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 13-6-03

MYSTÈRE DE LUMIÈRE

Il se pourrait qu’aujourd’hui
je me déguise
en assassin et que j’embrasse
la mort.

Essayer de décoller de la peau
et flotter, devenir invisible,
indivisible, immaculé.

Parcourir les cimetières de nos
ancêtres et sillonner leurs souvenirs.  

Peindre un tableau couleur printemps
et se perdre dans le paysage.

Il se pourrait qu’aujourd’hui soit hier
et terminer ces petites choses
qui assombrissent la lumière du lendemain.

Aujourd’hui tout pourrait être.

LUIS RODRÍGUEZ 
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis: 15h15 Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 16-6-03

AU PIED D’UN PAUVRE

Il avait pris pour lui toute la crasse.
Il ressemblait à un monument à la pauvreté,
avec toutes ses vacillations de drapeau
et sa faim très profonde dans le fond de l’œil.

On aurait dit que ses muscles avaient trouvé
la taille précise pour ne pas mourir,
et ses cavillations la taille précise
pour ne pas sentir de peine, ne pas écouter l’estomac
et veiller la nuit son unique allumette.

Il n’avait plus dans la poche que le peu
            de virilité dont il était capable,
             le f de la faim et tous les f du froid
             et de la rage.
             Pas un sou.

Si quelque chose de plus que le vin
rouge des heures
était tombé dans le puit
obscur de son estomac,
le fracas de l’étreinte du vide et du solide
serait fatal.

Si quelque chose de plus que le vin
grenade de la solitude
traversait sa gorge…
devant l’énergie renouvelée,
le bras, les tendons du bras
et tous les ligaments
la peau laiteuse et les muscles du bras,
se dresseraient
au-dessus de la tête de la ville
dans un geste infini de liberté.
Mais le vin…

ALEJANDRA MENASSA DE LUCIA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 19h Madrid
 
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa 


Madrid, 17-6-03

J’AURAIS PU ÊTRE

J’aurais pu être
un orphelin de la pitié d’autrui,
arcanes au vent et la clameur
de la tourbe aveuglée.

Un héraut bâillonné
par la furie dévastatrice de l’horreur
devant les yeux, impitoyables, du tyran.

J’aurais pu être
un mort permanent
éternel, l’un de vous.

CARMEN SALAMANCA GALLEGO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 19h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 18-6-03

LES JOURS EN PASSANT

Les jours en passant produisent un silence végétal, presque divin.
Des ordres agitant des drapeaux et parmi les animaux,
le bastion avec ton nom, sans frontières.

Presque humains, nous n’avons pu habiter parmi les hommes.
Presque dieux, notre obscurité fut infinie.

Des bateaux de papier vers une rive sans nom,
les bords de la peau où les crocodiles
n’atteignent que de biais ton regard.

Coincé d’un côté de la vie
nos mains jouent des notes impossibles
alors que nos pieds nu
échappent aux reflets de la lune.

Nous avons produit des lettres circulant à travers le temps
des couleurs qui réveillent des sons où le mot
ne réussit pas à prononcer la richesse de ses constellations.

Nous sommes en train de produire un homme qui ne se brise pas
quand un vent attrape son visage dans le miroir
et le déracine et le laisse tomber
sur le tapis des intentions
et cent mille tonnes de faim le piétinent.

Nous sommes en train de produire un homme
qui, sans cesser de trembler, écrive.

CRUZ GONZÁLEZ CARDEÑOSA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego 


Madrid, 19-6-03

LE COMÉDIEN

Je te retrouve
sacrifié dans les coins
connaissant la douleur
qui pourrit l’âme.
La vie ne te pleure pas
et, cependant,
toi, tu choisis de l’homme
des coups de vérité
pour souffrir ton innocence.
Tu as pendu dans ton dos
des coups de fouet de carmin
répétition pertinente
pour les croyants.
Moi, je ne crois pas à tes pleurs,
je crois aux mots
qui te manquent,
dans la passion de l’oubli
dans la trace de la vie.
Je ne croirais plus jamais
aux lundis que pleurent
tes yeux de dimanche.

MAGDALENA SALAMANCA GALLEGO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego 


Madrid, 20-6-03

LA MOITIÉ DE MA VOIX

La moitié de ma voix est une lettre métallique
qui frappe sans compassion
le centre de ma vie.
Livré à la tristesse
je trempe d’encre le corps et je regarde le ciel,
mais c’est sur la terre où s’écrivent
tous mes suicides.

Quelque chose résonne autour de moi.
Des gammes interdites de sons
dirigent de lents animaux sur la longueur
de mes bras.
Peut-être que c’est l’écho qui lance la voix
de la lettre sur mon crâne.  

Je tourne mon œil de feuille
et la boue primitive continue de pleuvoir
là où s’est noyé l’homme.
                        Ils sont partis par là.
Et moi, je suis resté dans le temps
avec ma lettre métallique tenant lieu de cœur parfois,
un battement après l’autre
tournant sans espoir dans la fissure du cri,
aspirant à la moitié de ma voix qui parlera
avec les hommes qui sont partis
                        et avec moi
                        dans la moitié de ma voix

ANDRÉS GONZÁLEZ ANDINO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 23-6-03

LA MAISON DES MOUCHES

Nous étions trois et l’acte de respirer,
nous étions trois et l’acte sublime
de finir la semaine,
la rage dans la casserole,
le canard sur le front,
la poêle dans l’âme.

Nous étions un soleil gravé sur les veines,
le lave-vaisselle à crédit
et l’eau persuasive,

nous étions seuls et trois en haut du regard,
férocement seuls sur cette planète,
élémentaires
comme des germes d’oxygène.
Et nous cherchions, cherchions, cherchions
les autres et rien,
des peupliers allumés passaient sur les trottoirs
devant notre surprenante manière
d’amarrer les perrons
avec un sextant.
                                                À  Daniel

Nous étions trois et l’acte de respirer,
l’ère des contes, l’âge des chevaux,

nous étions et nous étions là
-oui, nous étions là-
des soldats dans la fumée

et maintenant les fenêtres sonnent
et je colle de petits papiers bleus sur tes yeux
et je pleure en me faisant accompagner
par les chœurs de tes chevaux.

Tes dix-neuf ans
et tu étais dans mes doigts,
tu es rageusement dans le futur de mes doigts
te lançant depuis les flammes

et je sens ton souffle
de couleur vert pluie.

Et nous sommes comme les épaules
et nous paraissons désagrégés
           et nous nous parlons
et je te regarde à travers le sofa
sous les pots et les bouteilles
et les poèmes de libellules
et je paie tous tes cœurs pour toi.

Voilà la rue par laquelle passe ta vie
voilà le conte
de la vérité,
blotti entre la soupe,
flottant dans la casserole,
aux chœurs de poêles sur le front
et une mer infinie qui se renverse
et me pousse à croire.

                                    À Virginia

Et je crois donc en toi
comme un cheval qui saute à travers son ombre,
je crois fermement
à l’essence de ta présence,
je crois vraiment que se sont haussés les trois temps
pour que ne nous quitte pas
                                                le ciel adieu marin,
pour que ne nous abandonne pas
           la lance
           couleur saumon
et ta robe de silences
est un nerf rose
égorgé dans l’après-midi.

H      nous étions trois
et l’acte de respirer
et le rouge fouet
et l’âme de cannelle.

Et la peste et la brume et la folie
          et l’amour
et toutes les blessures du paradis.

PILAR GARCÍA PUERTA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego
 (Del libro inédito La casa de las moscas)


Madrid, 24-6-03

EN LISANT DE PROCHES SALINES

Interrogation ou question
clame la rétine ta phrase de tonnerre,
tombant de l’ horizon libre
sur ton patrimoine de multitude, la vengeance.

La roche vespérale insiste
son échafaudage d’herbes défait,
comme l’air jouant sa joie
de sultan ou d’homme malade.

Ils aboient d’ici au loin
ton écharpe rouge, ton chapeau
d’ailes de marionnette de cirque
un vol, feignant la chance du verbe.

Dis-moi, chante-moi à la belle étoile, ta carte
et son orgie de siphon, ces
castagnettes que tu portes toujours
dans le cas où, jaillirait la fièvre du peuple.

Sans peau, limpide de couleurs et
en plein déjeuner, tu abrites
de l’amandier son vautour d’autrefois
et là, tu laisses pour les morts que le temps passe.

CARLOS FERNÁNDEZ DEL GANSO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 19h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa  


Madrid, 25-6-03

LE FEU

La nuit est un puit sans fond.
Les fantasmes surgissent, d’autres mains
adhérant à mon corps, l’éclat
passionné et létal de tes yeux.
Je veux l’espace ouvert de la voix,
des messages chiffrés pour l’esprit,
de parfaites marches autour de la
ceinture. Brûler parmi des illuminations,
des étoiles à mille années lumière, des points
incandescents pour ceux qui se repentissent.
Le feu possède la maestria de l’eau,
il envahit n’importe quel espace, il purifie
les atrocités, c’est la main droite
de Dieu. Sa langue prend au dépourvu
le soldat, fond les amants dans l’amour.
Sang et or peupleront cette terre, cette plaine
où le miel est le signe de promesses
inaccomplies quand de sottes vierges éteignent
la lampe, le phare qui soutient les limites
de l’invisible monde qui nous gouverne.

CONCEPCIÓN OSORIO CHINCHÓN
École de Poésie Grupo Cero
Atelier amedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego  


Madrid, 26-6-03

OÙ TE CACHES-TU ENCORE?

Où te caches-tu encore, ma belle?
Derrière quelle tristesse?
Derrière quel feu de mitraille?
Derrière quel délire de feu et de sang?

Les survivants devront une fois de plus relever la tête
enterrer les morts sans mourir
reconstruire et construire de nouveau le monde
pour qu’une eau quelque part palpite.
Un cœur de sang
une caresse
un long soupir entre l’agonie et la vie.  

Claire Deloupy
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 19h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 27-6-03

DANS LES ARRÊTS FORTS

Dans les arrêts forts de la vie
j’ai toujours été un homme
jamais une faiblesse traîtresse
ensuite, dans la vie
de tous les jours
mon âme était une pendule
d’une modeste amplitude
mais quand le vent arasait
avec la violence des Dieux
défaits dans leur folie
quand la douleur éventre les heures
j’ai toujours été un homme
la vie nous peuple
de non-rencontres et d’illusions
parfois nous leur concédons
notre plus profonde innocence
parfois nous sommes pris par surprise
et nous devenons prisonniers de l’amour
parfois aussi nous cassons tout
pour répéter une mort magnifique
parfois, seulement parfois
je me sens un homme véritable.

ROBERT MOLERO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Vendredis 11.30h Buenos Aires
Coordinatrice: Norma Menassa
 


Madrid, 30-6-03

LUMBAGO

Ta racine grandit
mordant la verticale
ligne de mon dos.
Vertèbre ardente,
disque circulant
sous la métrique
de la douleur et du spasme.
Je suis l’orateur
de l’insomnie que tu me lègues.
J’aime les longues heures
            de conversation
avec ta faim insatiable,
avec ton innommable
élancement dialoguant.
Fainéant lumbago chagriné
sous ta barre rigide
l’arc se brise
et la flèche
reste immobile
attrapée dans mes mains. 

RUY HENRÍQUEZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego  


Selección de Poemas Inéditos

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