Madrid, 2-1-03

CE JOUR-LÀ

Ce jour
où ta voix est devenue mot.
Ce jour
où tu t’es regardé dans le miroir et tu n’as vu que de l’ombre
le jour comme ce jour-là
ton nom est monté aux étoiles
devant les yeux du monde
tu t’es agenouillé sans demander pardon.

Les envies de la chair
vents violents aux soupirs de femme
ont fait ton stigmate de mort
allongeant les pas
rétrécissant les entrailles 
tu trouves le reflet de ton ombre.

C. CRISTINA FERNÁNDEZ ARGUDO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis: 15h15 Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 3-1-03

VERTICAL

Il y a des moments affilés:
une phrase de douleur
effleure verticale
du ventre à la larme.
Des poumons contractés cèdent le pas à l’abîme
et le battement parcourt en frappant ton cou,
dehors, intègre, fracturé du dedans.

Cette idée incarnée dans le sang
est marteau aux mains du souvenir.

Impavide, tu serres les dents et les poings,
tu cloues le pas.
Fixant le regard,
éclat noir à l’aube

Les veines se tordent,
nœuds de vieux sentiments.
Tu ne reconnais rien de connu
et le silence est tellement répété.

MONTSERRAT ROVIRA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 19h Madrid.
Coordinador: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 7-1-03

LE BOUCHER

Dans le métal, au tranchant, dans les hauts fourneaux
où il s’est fondu et dans les hautes mains de l’ouvrier
qui l’a fait naître.
Mais dans l’homme non, dans l’homme
il y a longtemps que non…

Dans le gant argenté,
dans son filet où nagent des poissons morts
ses doigts, et dans les doigts qui tristement
ont tressé sa spirale.
Mais dans l’homme, non,
dans l’homme il y a longtemps que non.

Dans la pierre qui intéresse le métal,
où gît une bête qui va être
achevée, parce qu’une fois morte,
dans la bête oui, et dans la pierre oui…
Mais dans l’homme non, dans l’homme
il y a des années, des lustres, des décades
que le boucher non.

ALEJANDRA MENASSA DE LUCIA
École de Poesía Grupo Cero
Atelier Samedi 19 h. Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 8-1-03

LE JOUR SUIVANT

J’ai ouvert les yeux en titubant des paupières,
des restes d’acuité visuelle éludaient
des luttes quotidiennes avec la lumière.

J’avais survécu à de mortelles éteintes
des séquences déchirées par amour
et l’implacable acharnement du destin.

Experte en contrepoints,
je me suis échappée vers les versants de la nuit
les racines inondées de silence.

J’ai actualisé des données, j’ai récupéré la consigne,
des symétries cachées de la douleur
et l’art de mourir à domicile.

Des mondes d’inexpugnable texture
ont jailli entre mes doigts, rebelles
à ma sourde volonté du sacrifice.

Ta mort n’est pas mon alibi
mère, des boucles du temps
ont fait de ma voix, un destin.

Carmen SalAmanca Gallego
École de Poesía Grupo Cero
Atelier Samedi 19 h. Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 9-01-03

L’ADRESSE DES DIEUX *

Les tours d’une noria imprédictible
construisent des horizons de grandeur.
Des signes d’une humaine intégrité,
se faufilant temps,
brandissent des vérités impossibles.

Ce sont les diables de la nuit
avec leurs ombres de noir souterrain
et le vert ardent de tes lèvres
l’imprévisible humanité,
points de lumière sur l’univers.

CRUZ GONZÁLEZ CARDEÑOSA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego

* Tableau de Manuel Menassa de Lucia. Vous pouvez le trouver à l'Exposition "POR BULERIAS" www.momgallery.com


Madrid, 10-01-03

AVANT LA FONCTION*

J’ai marché des années les orbites de tes yeux,
il y eut sécheresse et eaux salées qui baignèrent ma peau,
des eaux qui aspergèrent mes mains de cris aiguës,
répliquant un avenir.  

Il y eut des mois de solitude sillonnant des mots,
des yeux dans chaque découverte.  

Quelques alcools pour calmer l’anxiété
et tes pupilles ouvertes sur un océan déchaîné,
se sont approchées avec précaution de la détresse.

Aujourd’hui nous sommes nés au brillant de la nuit,
et les années me couvrent de pauvres mensonges
qui sans savoir, furent le passé.

Il n’y a pas de pardon, la justice fouille de rauques silences
pour trouver le reflet d’un adieu divisé.

Ne pleure pas mon amour, le prochain crépuscule t’appartient
nous serons les jambes, gémissements quantiques
qui n’ont jamais été autres,
mais nous mêmes,
avant la fonction.

MAGDALENA SALAMANCA GALLEGO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego

* Tableau de Miguel Menassa. Vous pouvez le trouver à l'Exposition "POR BULERIAS" www.momgallery.com


Madrid, 13-1-03

LA VÉRITÉ EST UN FLAMBEAU

Tu passes tout près, oui. Il semble que finalement
tu sortiras. La main a l’odeur du bois
et tu te souviens des esclaves du Sud.
Tu as une voix qui bientôt sera tombe
ou grotte ou quelque autre espace consacré à l’homme.
Tu es pressé, tu vas être à la traîne
une fois de plus et il n’y aura plus ni bras ni jambes
qui pourront t’arracher pour sauver ta vie.
Tu as dans les yeux l’éclat du soleil couchant
du Caucase et tous les barbares t’appelant
dans la haute obscurité où tu marches.
Tu tournes trois rues encore et tu arrives au commencement
et tu ne comprends rien à ce qui t’arrive.
Autour, ton ombre ne veut pas pénétrer
dans la circonférence terrifiante que forme
le flambeau.

Tu passes tout près, oui. Mais tu n’en sors jamais.
Tes mains ont l’odeur de la nuit qui expulse
le monde des hommes.
Regarder au-delà… ta peur ne te le permet pas.
Tu vas marcher sans progrès vers ta mort,
trois rues encore, de nouveau au commencement.
Un vers hors de la lumière serait dévoré,
une âme dans la pénombre perdrait tout amour.
La vérité t’emmène au rythme de tes pas,
ta main a l’odeur du bois et personne ne veut écouter
les esclaves, c’est pour cela qu’ils t’ont mis là.
Dans ce cercle inexpugnable qui érige la condamnation.

ANDRÉS GONZÁLEZ ANDINO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 14-01-03

COURSE INFERNALE*

Regarde cette boule de chardons,
sa longue chevelure,
regarde ces doigts rétractiles qui passent en légion,
leur mouvement obscur,
leur caustique forme d’hérisson
et ce qui glisse sur la suie du regard.

Attentif à cette forme évasive
sous les roues de tes yeux.

Écoute
l’éclat impénétrable du paysage
et sa férocité,
le contrat du corps avec les tentacules,
ton dos se pliant sur des fils verts de salive.

Décris-moi ces larves en gouttes
les tonnerres en gouttes,
les oreilles sans tympan,
                        les actes manqués de La Mort.

Parle-moi
de l’impossible d’être dit,
du noyau des tempêtes,
de cette langueur de la langue
descendant dans les défilés,
dis-moi
les tours du désir.

Montre-moi tes légions de doigts
tes doigts de reptile,
montre-moi tes doigts ordonnés par usines,
tes doigts-lien
ta scène finale.

Apporte ces doigts pour me toucher sans voix
tes doigts digitaux,
la lumière qui avance sous la lumière,
ce qui touche sans trait,
                                  ce qui casse
            ce qui n’est rien
mais un dense goudron dans la bouche.

Le corps ASSIÉGÉ
l’acte en forme de balle
et toutes les chaînes
me soudant au vide.

PILAR GARCÍA PUERTA
École de Poésie grupo Cero
Ateliers Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca

* Tableau de Carmen Salamanca Gallego. Vous pouvez le trouver à l'Exposition "POR BULERIAS" www.momgallery.com


Madrid, 15-01-03

PAS LE MIROIR

Alors qu’elle se peigne devant le miroir
la lumière oblique de l’aube
déshabille ses cernes violacées
et elle pense: je suis vieille.
Je tourne le visage pour mettre dans l’angle
ses pommettes de cuivre
en cherchant l’indulgence
d’une autre ligne de lumière,
et alors des indécents apparaissent
de simples plis en trait horizontal
sillonnant le front
comme une musique funèbre, implacable,
et elle dit: je suis morte.
Elle tourne le dos au compagnon atroce
de ce matin,
s’étend sur le lit et rêve,
ses yeux bleus presque glauques
quel bleu de ciel adolescent
le regard, tout de surprise bleu
sur son corps…
Les yeux d’un bleu où les rêves
navigaient sans ancres et sans rames
et il n’y a pas eu de port qui les abrite.
Hélas.. ses yeux bleus infinis
et ses larmes ardentes
quand je lui a dit non,
que je ne l’aimais pas.
Quelle matière compose les souvenirs
qui projettent une ombre si longue!!...
Un vent s’est déchaîné
dans la mémoire
qui agite les fantasmes.
Pas le miroir.
Pas l’oblique lumière de l’aube
déshabillant des vérités.
Mais cet amour dévasté par le non
d’une phrase.
Le temps l’atteinte.

INÉS BARRIO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier vendredi 11.30 Buenos Aires
Coordinatrice: Norma Menassa
De son prochain livre "Oeillets espagnols"
Troisième prix (ex-aequo) de Poésie Pablo Menassa de Lucia
pour sa 4ème édition.
* Les premiers prix seront publiés en février 2003


Madrid, 16-01-03

ABSENCES IMAGINAIRES

Parfois j’ai des absences,
petit mal,
où j’assassine, des millions d’étoiles.  

En fermant les yeux
une seul soleil
reste orphelin
et sans accent la voyelle
de l’horreur.

Au réveil, meurent encore
l’éclat entre les mains
fugaces, évanescentes,
tombant sur mon revers,
astres, nuages, diadèmes.

Dieux de carton.

CARLOS FERNÁNDEZ DEL GANSO
Escuela de Poesía Grupo Cero
Taller Sábados 19h. Madrid
Coordinador: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 17-1-03

MYSTÈRES DE LA CHAIR*

Grincement sidéral traversant le verbe,
un voile couvre la distance, carte sans
angles, à la magnitude de ta bouche.
Je contourne altéré, viscosité
ardente à l’origine de la mémoire.
Une violente lumière invite au pas vers
le néant. Il n’y a pas encore de champs
dorés, ailes noires sur les hautes
branches. Seule l’explosion du soleil sur
son zénith, corpuscules à la dérive.
Le râle de deux corps se joignant.
Mystères de la chair, morceaux de peau
en chaleur. Une possibilité de nous séparer.

* Tableau de Amelia Díez Cuesta. Vous pouvez le trouver à l'Exposition "POR BULERIAS" www.momgallery.com

CONCEPCIÓN OSORIO CHINCHÓN
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 20-1-03

COMMENCEMENTS

Vaincu par le talent, je parais des galops de noirceur
sur des nuits qui s’étendaient pleines d’heures vécues
comme les scintillements des astres.

Nous nous étions tant aimé,
que revenir était comme recommencer puisque l’amour a pris son vol
très haut et s’est emmêlé aux orbites cédées par un chant au-delà de nous,
proches et étrangers, qu’à la vitesse du vent
nous tournions les temps des sexes
qui sont restés sans pronoms nommant l’échange.

Nous nous étions aimé
avec une naïveté qui conquérait la ligne d’horizon
l’arc déplié en artifice des gouttes de pluie,
et d’anciennes bruines répandues sur des pierres grises de la rue
sur lesquelles nous marchions désireux de la rencontre qui se déroulait toujours
entre les synagogues endormies du quartier confident,
et le murmure tenace des hommes réunis dans un jeu de cartes.

Nous nous étions aimés
avec le souffle de parfums du musc mêlé aux nards
qui mordait jaloux le mystérieux cygne
qui se promenait vêtu de blanc face aux yeux profonds qui se trouvaient là
avant que l’occasion du baiser favorise l’étreinte
et que les mains tentent des ombres chinoises dénouant l’inextricable
nid de cheveux rompus de chavirements tombant le long du dos.

Nous nous étions aimé
comme une fête d’or et de cendres
jaillies de volcans sacrés
et de promesses éternelles qui incitaient le courage à prononcer : je t’aime
comme s’il s’agissait d’un feu de passions au lieu de mots,
courant entre nous fondant des bords découpés
sans aucun contenu et loin de la flamme.

NORMA MENASSA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 19h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa 


Madrid, 21-1-03

LES YEUX DE LA NUIT

Elle est tombée crucifiée par l’amour.

Cette solitude
a noyé son coeur.

Que revienne celui qui n’est jamais parti!

Qu’il dise les paroles de l’amour
le torrent
contre les ombres de la mort!

Elle est morte par peur de mourir.

Tant de sentiments
ont avalé
peu à peu
toutes les lettres.  

Claire Deloupy
École de Poésie Grupo Cero
Atelier du samedi à 19h.Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa 


Madrid, 22-1-03

CE N’EST PAS UN PÉCHÉ

Si je prends le mot,
c’est pour le mot même
que mon âme lui cède
tous ses principes.
Par elle la larme brûle
dans la cavité orbitale de ton regard
et les jours graves se défont
comme de vieilles photos
de visages disparus,
ou comme d’anciennes cérémonies
dans lesquelles il n’est plus possible
pour le vieil homme moderne
de reconnaître l’amour.
Les inoubliables baisers
cèdent à leur cryptographique sentence
les pour toujours à jamais,
les étreintes et leur trace d’eau.
Cède à la mémoire d’une phrase
la fureur avec laquelle nous élevons les villes
et la plainte aussi avec laquelle nous condamnons
nos meilleurs désirs.
Nous sommes des arbres abattus avec leur racine
s’alimentant de nuages et d’écumes,
comme des mains fantastiques
implorant la clémence d’un ciel silencieux.

RUY HENRÍQUEZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 1h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego 


Madrid, 23-1-03

LA PERLE DE LA FOLIE*

Éclat nacré
d’écume et de sable,
fond abyssal ou rumeur tranquille,
temps liquide longeant le cercle.

Cependant la rondeur se répète,
la sphère de plomb héberge des mots
lourdement métalliques;
émoussés, consentants,
lugubres temps de silence
dans lesquels enfiler des perles
pour orner des cous,
cordes marines,
perles noires de la folie.  

* Tableau de Miguel Oscar Menassa. Vous pouvez le trouver à l'Exposition "POR BULERIAS" www.momgallery.com

EVA MÉNDEZ HERANZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 24-1-03

NOUS DEUX II

Les explications seront suffisantes et le plaisir esthétique de la
    proximité nous rendra lointains.
Intime est le doute que le cœur passe sous silence et toutes les sensations
    deviennent clandestines.
La voix détermine l’impropriété de ma tristesse et obstinée, la
    raison attend ta souveraine présence.
Signes de ponctuation pour les amants certains.
Je m’agenouille devant le délire du sang qui
    attend et je vais te rejoindre.
Divers symptômes mouillés par la rosée des matins
    clairs, changent la direction désirée.
Il existe l’amour qui anticipe le désir d’un cœur
    apeuré par les signes du destin.
Je ne traînerai point mes pas dans l’impeccable désert désolé.
Des abîmes nus rendent inaccessibles toutes les hauteurs.

LUCIA SERRANO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Dimanches 11h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa
Du livre inédit: "Masques" 


Madrid, 27-1-03

LE BOIS DU TEMPS *

Maintenant commence le fait fondamental
la danse des satyres loquaces
l’amour dans les bois
la terre berçant des rebelles.

Maintenant viens à moi,
misère, lâcheté, chair à la dérobée
viens, l’affrontement disloquera
l’intrépide prison
où les reclus
se regardent à peine
savent à peine du temps
son infranchissable bois.

Maintenant la bataille nous annoncera
la fin,
sa porte d’alcools cassants
ses blessures montrant des morts
leurs fragiles étoiles se mêlant
à l’épouvante nue
d’une fosse commune.

* Tableau de Cruz González Cardeñosa. Vous pouvez le trouver à l'Exposition "POR BULERIAS" www.momgallery.com

CLÉMENCE  LOONIS
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 28-1-03

EN T’AIMANT

Je veux être plus forte
que la douleur,
elle est épouvantable la misère
de celui qui ne rêve pas,
les bêtes passent à mes côtés
par des sentiers d’absence,
je veux des astuces de feu et de froid
arrêter au vol les anges d’agonie.

Je veux effacer les traces de la blessure
écrire des mots ouragans,
nettoyer la maison
aviver la flamme qui ne cesse pas,
je veux la fièvre d’aujourd’hui
le clair présent des jours

-la bouche est molle quand je t’appelle-
et l’appétit de te nommer
croît au début de la nuit,
elle semble bonne la vie vue d’ici
sucre,
ou farine chaude
lune provinciale,
elle semble bonne la vie
quand je t’attends.

MARCELA VILLAVELLA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Vendredis 11.30h. Buenos Aires
Coordinatrice: Norma Menassa


Madrid, 29-1-03

JE NE TE L’AI PAS DIT?

Il y a des jours durant lesquels nous vivons à l’intérieur de la même seconde,
le dessin de ton corps est mon corps,
ma joie ton désir de parcourir le chemin.

Il y a des nuits durant lesquelles exilés de nous-mêmes
nous sommes distance,
prison d’ombres
fleuves de sang qui aboutissent sur les rives du cimetière de ceux qui
n’ont jamais vécu.

Il y a des jours durant lesquels mes yeux sont tes yeux,
dans lesquels tes jambes cherchent désespérément mes jambes.

Il y a des nuits durant lesquelles nous sommes le nord et le sud de la même monnaie,
lumières orphelines
oiseaux qui n’ont pas connu la mer.

HERNÁN KOZAK CINO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 30-1-03

QUAND LE NÉANT M’HABITE

Quand le néant m’habite
au milieu de rideaux d’asphalte
et de bordels d’écume,
la nuit soutient
une lune convexe
une alerte maximum
parmi des rugissements d’honneur
qui en vol à ras de terre
assaille des piétons distraits
par les bombes qui séparent
bruit et sang dans les gorges.
Le vent hurle sur les terrasses
d’une âme qui est partie
après la vengeance qui n’en finit pas
qui ne s’attache pas
à la ceinture de l’aube.
Aujourd’hui cette chanson revient
plongée dans l’oubli
le jour se lève comme une courbe imprévue
harassant des bouches silencieuses
jamais rêvées.
Quand le néant m’habite
il annule la faim et la solitude
des bruits au petit matin
comme des filets dans la mer.
Ensuite au pied de la lettre
je me glisse à sa dérive,
je me submerge dans l’amour
toujours en vue,
comme une première fois.

AMELIA DÍEZ CUESTA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 19h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa 


Madrid, 31-1-03

NUIT DE SAINT ISIDORE LABOUREUR

Ciel fermé et immense des voix les plus obscures,
quiètes entre le possible et l’éternel,
bercées par des ondes à moitié endormies.
Il y a un souffle.
Des fils d’or et d’argent protègent la trame emmêlée,
sans interstices et en pleine lumière,
allégé des charges le dos se redresse,
cette nuit seul le souffle du futur, crescendo de l’âme,
peau d’infini.
Absorbée dans tes yeux, je soigne mon propre regard
et les minuscules graines de pain.

Il y a eu un amour qu’il n’y a pas eu, celui qui a abandonné en détours
d’illusion les esprits les plus assoiffés.

Beaucoup plus tard la main a dessiné un trait
trait tumultueux trouvant le futur
marque indélébile, invisible, trace transitée.

Présence, éclair et étoile,
évanouie et trouvée, marquant son territoire d’univers et vide,
où les cheveux se posent entre montagne et nuage.
Il y a quelque chose d’insaisissable
quelque chose d’éthéré, comme une odeur douce et envahissante,
ce n’est pas encore un parfum.
Quelque chose de vague
de ténu
comme la bouche d’un nouveau né cherchant son lait.
Quelque chose de saturé
de cadencé
comme l’air pléthorique d’un soupir.
Tristesse discrète presque nue, ne trouvant pas encore sa sagesse
quelque chose de retenu
de suspendu
vol d’oiseau vers l’aurore et le sourire éternel de la rose splendide,
oubliée de la buée fanée qui guette dans le matin.

Des rayons de clarté, implacables, peignent des violettes cette aurore.
Un moteur rugit, des aboiements et des luttes s’écoutent, un rire strident aussi.
Complétude nocturne brisée
je contemple leurs ombres déchirées s’éloignant.

La chaleur m’illumine, l’air me caresse.
Sourire et scintillement, poésie
dérangeant souffle de vie,
baiser et tendresse, timide bête gémissante
peau, yeux, bras et jambes,
colosse et cyclope sur le point de naître…
Reflets de faisans volant au-delà de l’horizon.

MARÍA CHÉVEZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier dimanche: 11 h. Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa
De son prochain livre: Veille du Temps


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