Madrid, 1-8-03

SOUVENIRS

Les souvenirs sont des échos
qui frappent le cœur.

Des autres
    un peu de sagesse.  

Il y aura des frissons
il y aura un rideau de fer
            amour il y aura
il y aura de la haine
            la guerre il y aura
           d’inévitables tempêtes

violence humaine
mots instants.

Le paysage
           persiste
                au-delà de ma mort
je sors de moi
des pas sur le désert
                        je meurs à la guerre.

Un long regard
des heures
qui sont nuages
            ou neige.

LÚCIA BINS ELY
École de Poésie Grupo Cero
Atelier de Porto Alegre
Coordinatrice: Marcela Villavella


Madrid, 4-8-03

UN ENFANT ME REGARDE

Un enfant me regarde

de ses mains tombent des yeux et des larmes
enveloppés dans la nuit.

Sèche le mot
comme l’ombre de sa douleur
me dit adieu!

De la terre on voit
la mer
je me livre au chemin maritime
le cœur m’appelle

dans cette enivrante enfance
où le naufrage sont des moments
île soif noir trajet  

une chaude mer
      rugit avec mes pleurs
j’écoute la voix des décombres
un scarabée
un homme sans dos
disparaît dans l’eau

devient brume
adieux.

Une lointaine enfance
trouve sa carte
            un archipel
de sable mouvant
que sa mémoire n’a pas gardé.

CARMEN PRESOTTO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier de Porto Alegre
Coordinatrice: Marcela Villavella  


Madrid, 5-8-03

ET TOI, RUSTIQUE DÉESSE

Tu as mis en fugue les ombres,
avec un baiser.

Des creux par où le vent violent
s’engouffre…
murés de bleu et de feu.
Le noir de tes cheveux,
et tes yeux.

J’ai volé sur des nuages instantanés,
de souverains accords disparaissant,
indomptable corps de l’air.

Terre, je touche terre.
Un ange me dépose
sur les rives d’un lac voluptueux.

Sur son miroir j’ai délimité ma peau.
Maintenant, une autre terre.

SANTIAGO DE MIGUEL
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Mercredi 19.45h Madrid
Coordinatrice: Paola Duchên


Madrid, 6-8-03

PLUS FERME QUE LA CORDE

Même s’il y a beaucoup de flèches qui traversent ce ciel rougi,
bien qu’un vent polaire essaie d’inspirer la crainte à ces tristes cahutes,
la rivière ne cessera pas de couler devant ta porte
les oiseaux ne cesseront pas de se nicher sur le toit de l’église.

Les courages flancheront durant une minute angonique
même les larmes affleureront à tes beaux yeux de corail
tous les réverbères de la promenade qui conduit au port s’allumeront
et les cloches sonneront appelant les défunts
mais ne cesse pas de chercher les sourires sur les visages
des poissons de couleurs,
laisse-toi inonder par l’arôme des fleurs de janvier,
et salue chaque aurore avec la même tempérance
qui découpent les joncs sur la rive de ce fleuve.

NATALIA BLASCO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Mercredi 19.45 Madrid
Coordinatrice: Paola Duchên


Madrid, 7-8-03

UNION LIBRE

Ou est-ce un faux pas,
c’est mon être qui se dresse.
C’est moi qui cherche ce qui n’a pas été.

Dites à mes amis
que l’innocence est morte.
Dites à mes amants
que ‘ai vécu.

Que la vie a tracé des sillons d’argent
sur les rives de mes fleuves
et des rides aussi vieilles
que l’ancienne nuit
ont sillonné ma poitrine.

J’ai erré oui,
autant de fois que le poisson remue la queue
entre les récifs
de coraux sanglants.

J’ai marché le long
d’un récit usé.
La largeur d’un silence,
palpitant et ouvert.

La somme de tes noms,
le carré des pleurs.

J’ai erré, oui,
humain, être de pierre
et je dois continuer à errer
jusqu’à blesser les semelles
immenses de la chaussure.

ALEJANDRA MENASSA DE LUCIA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 19h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 8-8-03

LA VIE MÊME TE LE FERA SAVOIR

La semaine s’égouttait entre mes doigts
avec la viscosité du temps consommé.
Comme un reptile fatigué, agonisait
sur la montre un autre vendredi inexplicable.
Timide reflet de l’hier,
je rectifie ta saveur de finale,
je dessine entre tes yeux, le néant.

CARMEN SALAMANCA GALLEGO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedi 19h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 11-8-03

LE BOIS INVERSÉ*

Aujourd’hui je t’ai vu
heureux
plein de vie.

Devant mes yeux, le multiple de chaque être,
l’archaïque, la terre qui tombe à nos pieds
quand le corps s’ouvre aux miroirs
et il n’y a plus que le monde qui importe.

Des millions de mots dessinent les couleurs
de la vie. Des verts de lumière ouvrent l’espace
sur des corps enlacés à d’autres corps,
des voix où la passion est de se laisser traverser
par les mots. Le mouvement produit
par le frôlement de ta peau avec les couleurs
nomme le travail de mes doigts.

Je suis dans les bleus
étendu sur des images brisées par l’histoire
j’écris le temps de l’amour, je dessine sa passion
démesurée, l’inébranlable beauté de son étreinte.

Dans le bois inversé
noir pour ponctuer la nuit
et des rouges pour l’oubli.

CRUZ GONZÁLEZ CARDEÑOSA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego

*Tableau de Miguel Oscar Menassa- Vous pouvez le voir à l’exposition «MENASSA 2003» www.momgallery.com


Madrid, 12-8-03

LE TEMPS EST

Le temps, tes baisers sur ma ceinture
la ville de la passion se souvenant de toi
l’obscur sexe des bêtes
te faisant danser sur ma poitrine.

Quel beau paradis
le poème,
la vie.

Ce sera toi, femme
chemin pour mes pieds
incendie d’amour,
port
pour ce bateau sans ancre.

MAGDALENA SALAMANCA GALLEGO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 13-8-03

EPILOGUE VITAL

J’étais Andrés et je n’ai pas pu avec mon vers

Un journal priera un lundi,
parce que le lundi on a appris à personne à lire.

Mes frères, Andrés n’a pas pu,
ni avec son vers ni avec son pied syndical.
Son pied grand, son pied sage,
il disait non à la chaussette et non politiquement à la chaussure.

Andrés s’assied avec vous et se demande
si s’est arrivé parce qu’il était méchant ou
parce qu’il était bon.
Il battait trois fois plus qu’aucun autre,
il respirait le zénith et le nadir de sa terre
et il mangeait et buvait autant que son âme le pouvait.
Il lui a toujours manqué un tiroir dans la tête,
ça il le savait, c’est pour cela qu’il prévient avec les vers
que vorace est l’oubli.

À l’intérieur de sa cage qui est à l’intérieur de son lit,
Andrés est allongé et ne se trouve pas.
Il prend son journal pour désespérés
et articule calmement :

Une nuit, tu relèves la tête
tu regardes la mite ancrée dans le mur.
Tu baisses les yeux, les lèves à nouveau
et la même mite te sourit compatissante.
Alors tu te lèves et ne reviens jamais.

Andrés n’a pas pu et ce jour de l’année peut plus que moi
parce que je n’écris pas pendant que je souris ou pleurs.
Non, je prends dans l’armoire la chemise et la dévore.
Le pantalon et je le dévore
et Andrés et moi nous sortons nous promener tout nu
l’un sans l’autre.

Je voudrais avant de terminer, offrir un peu de lamentation
sur les nappes, pour qu’au moins le pauvre
ne le trouve pas vide.
Et un peu aussi aux amants pour qu’il serve de mur
où mesurer l’ombre de son désir.
Et un peu plus pour celui qui attend au le bord de moi
et qui veut parler avec moi.
À celui-là, spécialement, je l’étreins très humainement.

Andrés a été un poète de lamentations, diront-ils. Et il n’a pas pu.

Plus tard, si personne ne te réclame, Andrés.
Quelqu’un qui t’aime t’écrit ici, ému:

Andrés écrit un vers immense
et à l’intérieur se trouve Andrés
avec son vers debout et son infini.

ANDRÉS GONZÁLEZ ANDINO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 14-8-03

LA POÉSIE EST UN COUTEAU AVEC DES FLEURS

«J’écris de la poésie parce que les poètes russes 
Mayakovsky et Yesenin se sont suicidés
quelqu’un d’autre doit parler»
-
Allen Ginsberg-

Laisse-moi tranquille, Charles Bukowski,
je n’aime plus ta voix ni tes trucs,
ils disent que tu es saoul,
                                    moi,
je supposais que tant parler
te ferait un immortel,
mais tu vois, Charles Bukowski,
que maintenant tu es mort et tu ne peux plus
écrire sur le jour d’aujourd’hui.

Le jour d’aujourd’hui, en réalité,
n’a rien de particulier,
et ça seulement, c’est si terrible!

aujourd’hui
j’ai préparé le déjeuner en pensant à Allen Ginsberg
                                                qui est mort aussi,
sans me rendre compte que si j’écris comme eux,
             moi aussi un jour je serai morte
et quelqu’un me reprochera ;
quand je suis descendue dans la rue, plusieurs fois,
j’étais sur le point de me sentir bien,
mais les idées, les idées…
Qu’est-ce que les idées ?

Avec ce système
une idée est une pierre,
une idée est être en vie ou être mort,
une idée est savoir qu’il fait froid,
quand il fait trop froid
c’est qu’il y a trop d’idées.

Mais aujourd’hui il fait très chaud et moi aussi j’ai des idées,
j’ai une grande confusion quant aux mots,
tu vas voir :

je n’ai jamais vu aucun être humain aussi humain qu’eux,
je pourrai te raconter, je ne sais pas si à toi, Charles Bukowski, ou à qui,
que j’ai très envie de pleurer
et que j’ai trop d’idées,
je n’ai pas besoin d’idées pour ça,
mais je pense que tu es mort et c’est pour cela que tu me sembles respectable,
et j’ai très peur de n’être
            même pas
un ivrogne qui écrit comme toi,
ça me terrorise de penser
que quelqu’un se rende compte que mon corps
est un tas de mots qui se cherchent,
que quand je pense à lui
ce que je ne prétends pas c’est d’avoir des idées ni des poèmes ni rien,
mais l’histoire va si vite
que je crains de rester en silence tout d’un coup
et de ne plus me réveiller.

Moi j’étais comme je croyais être,
au moins un petit peu, Charles Bukowski,
je t’avoue que parfois
je te choisis pour pouvoir ce que je ne peux pas,
bien qu’alors ce soit déjà trop tard.  

Je ne veux pas être comme ceux que maintenant nous parcourons parce qu’ils ont été
                                                                        LES GRANDS POÈTES,
moi, si on pouvait faire justice,
je leur donnerai une autre opportunité,
je t’avoue que cette chose si bête que sont les mots
me permettent de dormir sans utiliser de drogues fortes,
moi, je n’ai jamais bu, je ne suis jamais monté à cheval,
mais il y a de pauvres hommes qui sont capables de tuer
parce que leurs idées les empêchent de dormir,
et cependant je suis très triste,
c’est infiniment impossible de convertir cette chose que je fais
en miracle,
Charles Bukowski, ne crois pas que je plaisante,
je ne sais pas s’il y a une théorie qui explique à fond ce qui m’arrive,
les psychiatres sont des blouses avec des couteaux,
les armées sont des tanks avec des couteaux
sophistiqués et éthérés,
les hommes sont des couteaux qui pensent aux fleurs.

Moi maintenant j’ai peur parce que le poème se termine
et je ne sais pas si quelqu’un pourra voir dans la lettre qui signe
quelque chose de plus que des mots.

PILAR GARCÍA PUERTA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h. Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 18-8-03

  LES LÈVRES DE L’AMOUR

Silencieuses lèvres d’amour
comme une pluie de papier
qui ne couvrira jamais
le corps du temps, elles écrivent cette histoire.

Le sexe connaît la bouche
bouches de safran et de désir
bouchée et fumée de perles
de sel et améthyste.

Mais les lèvres sont du tremblement
elles…oui,
elles ont sillonné olympiques et
striées, la commissure de l’amour
le grenier intime du vocable.

Des lèvres comme de baisers et soupir
lointaine tempérance de l’adieu
où les yeux rien ne voient,
du visage aimant.  

Il y aura toujours des cratères.
Néanmoins et cependant
le miracle de la meseta
le tire-ligne concave de la fleur
appartient, ce sera toujours comme ça,
à ton sourire.  

La faim n’a pas
l’homme si,
l’homme
a des lèvres de femme.
Des lèvres de baptême et de sacrement
sur toute déclinaison ancienne
dans chaque jour que je vis
ou de miracle quotidien.

Dans n’importe quelle langue on aboie
haut ou doucement.

Mais la fleur,
avec ces sept pétales de couleurs
lancés d’arc-en-ciel
à l’enfer de chaque balcon,
construit des trottoirs ou des échafaudages ou des tapis,
et ainsi comme les lèvres passent
la fleur escalade sa mort.

CARLOS FERNÁNDEZ DEL GANSO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 19h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 19-8-03

  À PART

Dans un coin, entre les draps
loin de toi, la vérité tremble.
Aucune lèvre pour la prononcer.
Obstinée et subtile, elle produit
l’effet du pavot, donne
à la mémoire sa chance.
À part les mots mais entre
eux. Toujours alerte, elle ne soigne pas ses
manières. C’est un instant fugace
pour l’âme, ouvrir et fermer
les paupières d’un autre temps.
 

CONCEPCIÓN OSORIO CHINCHÓN
École de Poésie Grupo Cero
Atelier samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego
 


Madrid, 20-8-03

  DES LETTRES COMME DE JOYEUX PAPILLONS

Des lettres comme de joyeux papillons volant d’un jardin à l’autre
toujours différents livrés au changement de la lumière,
à la luxure du temps.
Des mots transformant par leur battement d’aile le monde,
le feu pacifique qui dévore tout.
Il me manque durant un instant, les phrases ciselées sur la peau,
le parfum du vers,
le chant risqué et cruel dépassant les frontières,
                                                                  les abîmes,
                                                                                 de vieilles douleurs incrustées dans la chair.

Claire Deloupy
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 19h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa  


Madrid, 21-8-03

LE TEMPS EST

Le temps est une flamme qui menace
de couvrir ton destin d’échos inachevés.
Un regard divisant
ta main, et le début de ton visage,
quand la tempête te cherche parmi les lettres.

Ta  vie uniformisée de mots
n’est qu’une vague fêlure
de la tumultueuse prison où crient
les hommes condamnés de ta vie.

Je passerai sur ta poitrine en demandant,
j’attacherai sur ton nom cet échec.
Pionnière de mon souvenir
et de mon absence,
rafale où conclu
t  ma main,
ver luisant
transparent de cette nuit.

RUY HENRÍQUEZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice : Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 22-8-03

  L’INFINI EFFACÉ

De la couleur de l’absence était le rideau qui soutenait le temps,
les mots,
les lieux où incendier avec passion le verbe
blessure qui bat, sous-jacent, jaillit lente la rumeur du rouge,
crépuscule au sud du sud.

Tempérance obscure était la couleur du nerf avec laquelle elle guidait ses pas
boussole errante,
elle naviguait des destins, tempêtes d’horizons,
tout était ambiguë ces jours-là, elle se cachait de la vérité,
elle attachait l’éclat à ses chaussures
et comme Pégase affolé, mugissait le ciel
ses nuits allumées
et ses doutes.

Indocile absence celle du rêve,
infini effacé du souvenir,
attacher :
des mots à une fusée qui vole libre,
des silences à la peur
et ce tremblement,
sans distance,
invisible
à la page blanche de mes jours.

EVA MÉNDEZ HERRANZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 25-8-03

  TON DERNIER ACTE
A AUSSI ÉTÉ LE MEILLE
UR

Tragique la situation de ton départ, cette fois-ci il n’a pas été possible d’opiner.
Le monde distorsionné, je te cherche et les diables n’assouvissent pas le poème.
Ton dernier acte a aussi été le meilleur.
Je suis seule, prétendant écrire une œuvre qui nomme la magie
    d’un amour parfait
et le cœur fatigué, il n’évaluera pas l’espèce qu’il ne connaît pas
    l’invocation des anges.
Je te dis adieu et tout devient début.
Luminosité amoureuse du souvenir.
Le monde sur cette terre, ne reflète pas notre ciel et moi je cherche un miroir
    qui mente, pour te revoir
amoureux de trop pour cette dame.
Entre une erreur parfaite et une vérité parfaite, quelle sera la différence ?
Il est impensable de t’imaginer loin.
Je me dispose à contrôler toutes nos expériences et les souffrances des
    profondeurs
que nous avons connus ensemble, ils déforment la ligne droite qui arrive à l’infini.
Je parie et je récupère notre histoire sans préjugés.
Mes mots sauveront l’incertitude de t’avoir aimé à la fin
    du millénaire,
où tout engagement menace l’identité et la raison d’être souveraine.
Je désirerai revenir à la réalité vertigineuse des années libres et le désir
    redéfinit
l’impératif déjà inexcusable de notre engagement éternel.
C’était la lumière de ton regard, qui me faisait incroyablement belle et libre,  
     sensuelle et amante,
femme et enfant, homme et animal, mère et père, fils et fille et même Dieu.
Amour, ton sexe habitait à l’intérieur de moi comme un oiseau hautain et sûr, qui de tant atteindre
    des hauteurs n’a jamais pensé à tomber.
Après ta mort, je n’ai pas pu trouver sur la terre notre faim.
Un héros tôt ou tard abandonne la question avec les hommes et marche
    silencieux le visage
lavé par d’autres horizons.
Il revient toujours jouer à la figure de proue et de là, le voyage est véridique
    face à tout désaccord.
Sommet si haut, qu’il ne sera pas facile de revenir l’habiter.

LUCIA SERRANO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Dimanches 11h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa
Du libre inédit “Comme la même passion »
 


Madrid 26-8-03

IL FAUT ÊTRE FIDÈLES À LA VUE

Il faut être fidèles à la vue
et à toutes les pointes de soleil.

S’adresser à ce regard
à ce sperme
pendu à l’attente.

Regarder derrière sur la limite
de cette fidélité subjuguée
sur la parenthèse que démolissent
les yeux.

Il faut être fidèles à la lumière
au mot inconnu
au masque des traits
à ce boitement de plumes
qui me fait voler
sur la métaphore de la rencontre.

CLÉMENCE LOONIS
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 27-8-03

PÉNOMBRES

Le matin se perfore
par la simple épaisseur
qui va de la porte à l’infini,
exhumant au soleil.
 
Quelle hauteur a la peur
quand se lève un autre mercredi d’avril
et tout est en pénombres ?
 
il ne s’agit pas de continuer avec ça
me dis-je  mais
la pénombre de la chambre
la pénombre de la rue
les nuages tombant
l’absence de pluie,
et la hauteur de la peur se mesure dans la nuit,
il s’agit de continuer…
 
il y a un volcan dans ma mémoire
chaud et fumant
mais dans la pénombre
ce sont des cavernes stériles tous les souvenirs.
L’avenir se lèche
le dos lentement
et me pousse à un prologue de plus,
de quelle copule est née cette menace?
 
Voilà les ténèbres des jours,
une ombre de mort exiguë
un rayon de cauchemars incertains
imaginant la solitude du ciel.
 

Un prologue de plus me dis-je
en silence pour m’écouter,
un caillot de temps,
un rubis fulgurant pour guider l’exode nocturne.
Et tout d’un coup, nous nous embrassons
et nous sommes complices de cette traversée,
et les anneaux que nous n’avons pas
serrent nos mains
jusqu'à la caresse suivante
jusqu’à l’étreinte suivante
qui attend derrière toutes les portes
qui vont de la peur
à l’infini
comme un long
trajet de désirs et
de présages
qui ne désistent pas.

MARCELA VILLAVELLA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier vendredi 11.30 Buenos Aires
Coordinatrice : Norma Menassa
 


Madrid, 28-8-03

LA TRESSE

Je l’ai vue naître, elle avait 70 ans écrits.
Tout est arrivé à la hauteur de la lettre officielle,
des mots sans maître,
de la voix fatiguée de celui qui clame justice.
Le peuple était déjà là quand elle est arrivée,
son père a dit, mettez María,
María Quirós.
María a grandi et s’est mariée,
l’époux a dit
mettez madame de Monsieur.
Le temps fut d’horribles tempêtes.
Pendant que María accoucha,
mettez Julio de Monsieur Quirós.
Ainsi je l’ai connu
sur un pupitre d’articles,
anonyme sur une muraille de numéros.
María s’est fatiguée d’attendre
la récolte, l’après-midi, de l’attendre lui.
Enlevez de Monsieur
mettez Quirós.
Ensuite María mourut,
elle laissa les maisons dans l’air.
Son fils arriva,
écrivez, écrivez…
maintenant ils sont à Julio de Monsieur le fils de la Quirós
Ainsi je l’ai connu.
Elle avait 70 ans quand elle naquit et mourut.

HERNÁN KOZAK CINO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 29-8-03

BRUME ANCESTRALE

Les inhalations  d’une brume ancestrale arrivent jusqu’à moi, éternisante
parmi les accords de cette mélodie citoyenne que je cache à fleur de peau. Elle se
pend à la commissure de mes lèvres, à l’intensité opaque d’un regard
vers l’hier.
-Elle a revécu, cet amour sépulté-.
Et je le pends à mes épaules, comme le faisait ton étreinte ;
calée et confortable en ta présence, rayon de soleil sur le coin
pavé de l’enfance.
La fumée brumeuse estompe mes sentiments, mère et patrie ressuscitent
adéquatement, émergent comme des sources océaniques au milieu de n’importe
quelle rue étroite.
Dire du finale, ce mot angoissé et vide, adieu comme une ancienne
arabesque, rigide adieu incertain.
Seule de ce qui me recouvre et m’attache, j’ai maintenant une tristesse solidaire.
Moment du souvenir décoré de lointain, d’arbres de lumière, de nouvelle
année prometteuse, presque lascive.
Danse du temps, qui ne s’arrête pas malgré les habitudes.
Je dissous avec mon propre mouvement cette mélancolie dans la vitesse
précipité d’une rafale paisible,
de l’eau à l’aube.

 MARÍA CHÉVEZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Dimanches 11h Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa
De son prochain livre «Veille du temps»


Selección de Poemas Inéditos

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