Madrid, 1-3-02

RIEN, PERSONNE ET AUCUN

Si elle devait désirer
la princesse, désirerait rien.

Si elle devait aimer,
la princesse, aimerait personne.

Si elle devait jouir de ses privilèges,
la princesse, jouirait d’aucun.

Puisque rien, personne et aucun
accompagnent la solitude absolue
du règne qui l’attend.

JORGE MONTIRONI
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Mercredi 11,30 h. Buenos Aires
Coordinatrice : Lucia Serrano


Madrid, 4-3-02

LENTEMENT IL ÉCRIVAIT DES VERS

Lui, lentement il écrivait des vers,
un rituel de futur.
La faible mémoire, les cris ne valaient pas,
c’est une route qui s’écarte quand la mer s’incline.
Les amis jaillissent dans sa lumière.
Il écrivait et l’écrit
est le seul visage qui ne s’absente pas.
La mer qui se nomme,
emmêlée en sursaut d’heures,
en lettres transparentes comme le matin.
Le geste de l’homme qui dénonce n’accuse pas
il fuit ou poursuit.
Il survit, souffle au silence,
voix couverte, aimée, ombre de l’exil.
Lentement il vérifie que rien d’écrit
ne vole dans les humeurs de la pierre,
sauf la main qui s’ouvre au vertige dans les villes.
Signes d’un voile illusoire,
il décide le temps d’être vivant,
l’instant où il pourra aimer.

Jaime Icho Kozak
École de Poésie Grupo Cero
Atelier du dimanche à 11h. Madrid
Coordinateur : Miguel Oscar Menassa


Madrid, 5-3-02

LA LUNE DE TON CORPS

Des nuages de coton
planifiant des joies
alors que
des chênes vert odorants
ségrèguent des larmes impossibles.

Des échos de voix
heurtent les pierres
tirés au sort par la lave
du volcan de ton sourire.

La lune de ton corps
illumine une terre de doutes
planète ancestrale
immobilisée par les mots.

Des créatures plaintives
se cachent derrière les portes
de la peur effrayée.

Comme un miracle provocateur
les oiseaux
dans le paroxysme de leur chant
ne cessent de voler
cherchant plus de couleurs dans le ciel.

MARISA RODÉS PUEYO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid.
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 6-03-02

RETOUR À LA TRISTESSE

Parfois je sens que je n’ai pu dominer toutes mes idées.
En un après-midi je pouvais me convaincre de n’importe quoi
seulement pour ne pas avoir à céder
aux plaidoiries fondamentales
de mon existence.
Je n’ai jamais pensé que la manière la plus incorrecte
de persévérer dans ce qui est affirmé
pouvait m’emmener aussi loin
des propos initiaux.
Les marques sont devenues plus évidentes
au fur et à mesure que je transformais
mon intelligence. Je ne comprenais pas
la condamnation qui m’était imposée
comme une défaite
sur la rigueur de la certitude.
Au retour j’ai trouvé des lieux déjà connus
que j’ai voulu baigner avec mes nouvelles
ombres de tristesse.
Mais les cours
toujours indispensables des sentiments
déplacés jusqu’aux limites de ma compréhension
par de noirs courants de cristaux,
ont ouverts des yeux dans les tunnels,
de timides lanternes pour contempler
de vaines menaces.
Une lumière naturelle a brandi
son éclat surhumain
avant le lever du jour.

KEPA RÍOS ALDAY
École de Poésie Grupo Cero
Atelier du Samedi: 17 h. Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca  Gallego


Madrid, 7-3-02

LE SILENCE

Violente-moi, je suis le silence ancestral
celui qui fait taire tout vacarme,
celui qui devient lourd
comme une âme de vautour.
Celui qui parle tout seul,
qui ne laisse pas de trace.
Je suis la note qui manque,
le dévastateur de la prairie,
la fumée noire de la rage,
la trahison dans le dos.
Avec toi je fais ce que je veux :
je te protège, je te triture, je te vomis.

OLGA DE LUCIA VICENTE
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 19 h. Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 8-3-02

GAUCHE HUMAIN

 Ne m’appelez pas maintenant.
Ne m’invitez pas à votre rire
qui n’est que le vôtre.
Si vous avez la vérité, gardez-la.

Laissez-moi ne rien dire
que je ne puisse rien dire.

Et si je marche à contretemps
je me perds parmi les lignes
ou je traîne ma pose décomposée...

Laissez-moi jusqu’à la fin
conclure cette fois la douleur
sous peu je vais pouvoir plus loin.

RAQUEL FERNÁNDEZ DOMÍNGUEZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Dimanches 17 h. Alcalá de Henares
Coordinateur: Carlos Fernández del Ganso


Madrid, 11-3-02

À CÔTÉ DE LA MER LE CIEL EST BLEU

C’est un pendule vacillant sur le crépuscule
Couvert de l’inquiétude du silence
Bleu
Comme l’éclat de tes yeux
Bleu comme le toucher de ta main.
Je suis sur une parabole
Sans géométrie
Sans sommets ni rondeurs
Ni lignes
Ni limites non plus.

Je suis entre la fable
Et la farandole asymétrique
Comme la mer
Comme le ciel bleu.

Il reste un mot chancelant
Pour la rumeur lente d’une vague
Et le mot est bleu.

J’écris de la mer,
Près de la mer
Pour cela tout est bleu
Même l’incertitude.

MÓNICA LÓPEZ BORDÓN
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Dimanches 17h.
Alcalá de Henares
Coordinateur: Carlos Fernández del Ganso


Madrid, 12-3-02

PROIE INÉVITABLE DU HASARD

Proie inévitable du hasard ta voix
revient devenue soif,
profonde paupière insonorisée.
Un rideau de lune tombe muet,
il fuit ou se dissipe en abîmes,
bords tendus.
Moulante liberté qui de nouveau invente
la ténèbre, cette solitude de spasme froid.

Il y a une anxiété ultime
qui déborde dans le temps.
Sommet bordé de défis….

Dans quelle direction diriger les pas… ?
Dans quelle direction continue ce chemin… ?
Où, substance impérissable… ?

Aucune direction devant mes yeux
aucun reflet endormi
qui adhère à la peau,
seul cet ambre qui se détache
chaude lumière,
ou murmure de brise prolongé.

Mª ROSA PUCHOL PÉREZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h. Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 13-3-02

RÉVÉLATION

Où est visible le luxe amoureux?

Dans la mort qui nous emmène
emplis de mer, dispersés.

Dans le trou de la nuit. Dans la dissipation stellaire.

Sur les lèvres qui sont crépuscule pour se rendre.

Dans l’étreinte qui protège comme l’ombre.

Dans tout ce qui obscurcit une alcôve impensable.

Dans ce qui est perdu, que notre ciel rend habitude.

Dans la profondeur qu’il nous reste à adoucir.

Dans l’océan qui joyeux se retire
pour laisser qu’une autre plage sourie.

SERGIO APARICIO ERROZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier du dimanche 17h. Alcalá de Henares
Coordinateur : Carlos Fernández.


Madrid, 14-03-02

MA RÉPONSE DE CIRE
(Une force préoccupée par l’espace et ses formes)

Ton corps est un reste qui doit être éliminé,
le moment de te rendre à la pierre est arrivé,
de te déterrer au vide désert du cercueil,
de cacher tes ultimes paroles détenues
dans la dernière image de ton geste.
Et ton silence n’est pas suffisant,
nous devons aussi cacher tes formes.

FRANCISCO MANUEL GARCÍA PALANCAR
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedi 17 h. Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 15-03-02

SEPTEMBRE

L’été s’égoutte
dans le corps,
comme la pluie
sur des terres fécondes.
Ton baiser glisse
sur mon dos
discrets pieds nus
dans la nouvelle géographie.
Tu deviens air,
danse de sandales usées
cristal  brisé
dans le bleu du vacarme.
Tu allumes la nuit
quand s’égrène
goutte à goutte
le ciseau aiguisé
de la parole.
Et tu t’éloignes,
ailes de papillon dans les yeux,
sable dans les chaussures,
pas lent
absorbant le rire,
creusant des abîmes
pour prendre racines
dans des peaux lointaines.
Je me perds dans l’aube,
je cherche à trouver
une brise qui t’amène.

NORMA CIRULLI
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Dimanches 19h Ibiza
Coordinateur: Emilio Gonzalez Martínez


Madrid, 18-3-02

VERS EN JEU

Cœur qui blesse
la rumeur d’un désir,
l’attente ne doit pas être morsure
ni prison ton essence.
Réveille-toi, jouis de ta douleur
cri ou plainte
mais ne fuis pas, cœur
le printemps
est en train de mourir.
Le temps de la faim arrive
avec sa cohorte de hurlements
pour semer de nouveaux morts.
Par les chemins
l’air tremble,
les vermines rient,
les oiseaux ont oublié
leurs chants
mais toi, cœur, ne fuis pas
le printemps
est en train de mourir.

ÁNGELA GALLEGO ABAD
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Dimanches 17h.
Alcalá de Henares
Coordinateur: Carlos Fernández del Ganso


Madrid, 20-3-02

POÈME
(Le mal que nous avons fait)

Rois du monde nous nous sommes cru, de la vie.
Maîtres de toute pensée d’autrui,
convictions erronées et déshonnêtes les nôtres,
combien de mal nous avons fait, combien de mal.

Hurlements de douleur comme ceux d’une femme
qui n’en finit jamais d’accoucher.
Douleur d’entrailles, douleur de l’âme, beaucoup de mal.
Et nous continuions à faire, beaucoup de mal.

Vieillis par les rides, qui sont sillons
de sang et de découragement, blessures ouvertes
qui brûlent et font mal, et me déchirent le corps,
la vie.

Je me précipite dans l’abîme de l’ombre et du mensonge
souffrant les coups de la chute,
fracas, mal penser, mots inopportuns.
Corps flétris par le mal, le mal que nous avons fait.  

 JUAN BAUTISTA CUCARELLA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Mardis 21h Madrid
Coordinatrice: María Chévez


Madrid, 21-3-02

VOL EN RASE-MOTTES

Je dirige mon navire,
dans un vol de reconnaissance,
je voyagerai d’abord
sur les coordonnées que tu me marques,
puis,
quand je traverserai les tempêtes de sable,
la mer de dunes et le désert de roses,
je coloniserai ton oasis,
je pulvériserai ta planète triste…

Ne sois pas loin de ma chanson,
laisse la tâche bleue
qui teint le ciel de mes pensées,
imprégner nos rêves de jour,
jours de rêves pour des nuits éveillées,
où se cuisinent mes poèmes,
poèmes qui caressent ton image
en rase-mottes.

CARMEN GÓMEZ MENÉNDEZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Mercredi 19h45. Madrid
Coordinatrice: Paola Duchên 


Madrid, 22-3-02

À MADRID

D’où j’ai toujours voulu m’en aller
où j’ai toujours voulu revenir.

Je garde de toi, fauve étrange,
baisers et morsures
au talon des chaussures.
Je n’atteins pas ton profil
versant de Castille qui palpite
dans la plaine.

Ton ciel, toujours ton ciel
au dessus de tout.
Il pleut et nettoie l’air.
Le printemps est aussi revêt
tes rares amandiers
quelque part, dans quelque parc.  

Iceberg aux milles pointes tant miné,
l’amour et la haine je sens des amants.
Cœur si sale où habite un ange.

SANTIAGO DE MIGUEL
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Mercredi 19h 45. Madrid
Coordinatrice: Paola Duchên


Madrid, 25-3-02

LES AVEUGLES

Elle, elle ne voyait rien,
et lui, il avait dans les yeux
la nuit.

Ils s’aimaient
comme deux aveugles
qui se sauvent l’un l’autre.

Ils étaient l’un à l’autre
une épave face
à la tempête.

Parfois, lui,
il entourait son cou
de ses mains.

Et parfois, elle,
elle versait du cyanure
dans son café.

Ils s’aimaient,
comme un destin
comme une prophétie,

ils construisaient leur amour
par à-coups
ils craignaient qu’il puisse
se terminer un jour.

Elle, elle lui écrivait
un poème, certaines nuits,
et lui certaines nuits,
il lui mentait :

Aujourd’hui toi tu es le soleil,
et moi, je suis ton agonie.
 

Aujourd’hui je t’enfoncerai ma chair
dans les pupilles, et nous brillerons
comme des astres qui blessent
d’anciens firmaments.

Parfois, c’était elle
qui mentait;

et elle lui disait:

Je n’ai jamais autant joui,
mon amour.

Aujourd’hui j’ai été la déesse
de la nuit.
Et toi, ton sexe d’or;
toi, mon meilleur amant,
mon drapeau.

Ils se désiraient,
ils engloutissaient la nuit
en hurlements,
en déchirements,
en fuites et
encore de nouveau,
dans des luttes corps à corps,
voix à voix.

Ils se reniflaient comme des fauves,
qui espèrent ne pas mourir,
ils confondaient leurs sexes,
ils aspiraient à être
deux ombres dans la nuit
des temps.

Une marque indélébile.

À cent ans
ils se  sont allongés ensemble
sur le lit
en se tenant par la main,

mais cette fois
ils n’ont pas obtenu non plus
cet orgasme à l’unisson.

Elle est morte la première,
et lui, il a applaudit cette infidélité,
jusque dans les adieux.

ALEJANDRA MENASSA DE LUCIA
École de Poesía Grupo Cero
Atelier Samedis 19 h. Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa
De son prochain livre “Femme de feu”


Madrid, 26-3-02

LE PROFIL D’UNE RÉPONSE

Courbée par les chiffres du temps
j’assure mon corps dans la chute.
Je récupère des chaînons jamais utilisés,
calembours de souffle spécifique
endormis, par habitude, dans le doute.

Attrapée sur les rives de la peur
je recherche de farouches desseins de la vie
inutile masque face à l’abîme.
Je traverse des traces volées au destin
déserts prémédités dans l’ombre,
palpables, en secrète rébellion.

De vieilles dettes avec la foi
rôdent des distances évidentes,
des gestes calculés par les pleurs
dans une réplique intérieure obstinée.

Je définie des limites sur la peau,
revers inespéré du monde,
j’arrache des racines d’une étrangère sagesse,
et je fabrique,
entre les plis de mon nom,
le profil d’une réponse.

Carmen Salamanca Gallego
École de Poesía Grupo Cero
Atelier Samedi 19 h. Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa
De son prochain livre. « Le revers de l’oiseau »


Madrid, 27-3-02

L’ANGE DU NÉANT

Sur blanc papier les mots croisent ton ombre.
Sur la toile, des couleurs pour que triomphe le temps.

J’écris des sons où la voix exécute des tons et des silences.
Je parcours ta peau de lettres, je baise tes lèvres d’univers.

Un temps viendra où la mer sera explosion solaire
et les distances le frôlement d’une peau tandis que nous partons.

Je te nomme, ange gardien,
ange de tous les jours et de certaines heures,
rêve d’ailes qui opprime ma gorge,
ange du néant.

CRUZ GONZÁLEZ CARDEÑOSA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17 h.
Madrid
Coordinatrice: Carmen SalamancaGallego


Selección de Poemas Inéditos

index