Madrid, 2-1-02

LES BAISERS SONT MORTS

Les baisers  que je t’ai donnés
                                      Sont morts
Ils sont tombés pour le compte d’hier
Lorsque je suis sortie de ma voix caduque.

Et de cette lumière plus claire,
                    Plus lumière,
Je secoue la mort entre mes jambes
Je désordonne le papier immaculé
                         Les ordres syntactiques
                         Les vers à mettre au monde
Et là
       J’arrache le chant de ma voix
                               Et je nais.

RAQUEL FERNÁNDEZ DOMÍNGUEZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier  du dimanche à 17 h. Alcalá de Henares
Coordonne: Carlos Fernández del Ganso


Madrid, 3-1-02

LUMIÈRE DE LUNE

Quand il y a quelque chose de beau à dire
En vie, ça se crache
Quand il y a quelque chose de beau à dire
En âme, ça s’écrit.

Fernando Pessoa

Chaque vers parle de toi.
C’est une brûlure à la dérive.
Anxiété inquiète
Transmutée sur la toile
En cachette
Pour que personne ne le voit.
Nous sommes des ruines d’anges
Et 
Lumière de lune.
Je regarde avec étonnement le monde
Et avec amour
Et chaque vers parle de toi
Sculptant une lettre
Taillée dans du marbre
Sanglante
Qui blesse chaque pas
Du ciseau,
Chaque centimètre d’Amour.
Je regarde à nouveau avec étonnement
Tout est si fugace… !
Lumière de lune
brille !
Je veux attacher les mains à l’univers
Oui
Les rendre tous fous
Dans le frémissement de l’étreinte
Ou dans le son de l’écho
Un baiser
Dans les gorges profondes
Qui participent d’oubli.
Lumière de lune
Et nuit claire
Et chaque vers parle de toi.
Je lance mes yeux au crépuscule
Et le regard aux pupilles
trempées par Océan.
Je marche sur la pointe des pieds
Lumière de lune
Qui brille un sourire de femme.
Silence
Et chaque vers parle de toi
Comme ce bastion du temps
Qu’un épicier a gardé
Une nuit
Quand la mer
Cabrée
Cassait ses vagues en marais
Rebelles.
Et chaque vers parle de toi
Aujourd’hui je meurs dans une métaphore
C’est une tentative de l’instinct
Pris par la main
Entre la porcelaine et la terre
Qui peint la lumière de lune
Alors que chaque pas,
Chaque vers et chaque lettre
Se teint en parlant de toi.
Devenant muet sur
Les marches
Se cassant sur l’aube
D’un corps chaud
Au réveil du matin
Se sachant 
Lumière de lune
En nuit claire
Qui meurt pour vivre
Se soutenant de mots.

MÓNICA LÓPEZ BORDÓN
École de Poésie Grupo Cero
Atelier  du dimanche à 17 h. Alcalá de Henares
Coordonne: Carlos Fernández del Ganso


Madrid, 4-1-02

S’OUVRIRONT LES COUTEAUX

S’ouvriront les couteaux aiguisés de la mort.
Ils s’enfonceront dans la chair putréfiée.
Ils seront affligés d’obscures sensations, de l’aube sinistre.
Ils désagrégeront le monde infinitésimal de la folie.

Adviendront de furieux pacificateurs déjà hors de combat.
Ils leur montreront des blessures collapsées par la suppuration.
Il n’y aura pas d’extrémités lacérées, ni de lances.
Ni les subterfuges pleins de boue de l’enfance interrompue.

À coup de couteau nous arracherons des impiétés à la mort.
Nous vaincrons des cruautés insonores, les mansuétudes ébranlées.
Nous ignorerons le fracas de la bataille, l’aconit délire.

Zéphyrs invisibles, biseau bruni dans des orbites de saphir.
Nous errons vagues sur le visage fauve d’anciens arcanes.
Idolâtriques moments qui exacerberont notre passion.

Mª ROSA PUCHOL PÉREZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h. Madrid
Coordonne: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 8-1-02

JE DOIS RÉPONDRE

A Mónica López Bordón

Bien qu’il y ait des mots
avec quatre épingles
qui assurent la vie.

 Bien qu’il y ait des mots
évidents, gonflés,
orgueilleux de trafiquer
correctement.

 Bien qu’il y ait des mots qui consolent
et tapissent le malheur
de la même mucosité.
Bien qu’il y ait des mots
qui se serrent et encadrent
n’importe quel événement.

Je choisis, non seulement pour toi,
le mot blanc.

 Peut-être parce que j’adore cette mort mouvante.

 Peut-être parce qu’en me voyant tout d’un coup
près de l’envoûtement,
et de son dénivellement chaud,
j’ai recours à un rythme millénaire.

SERGIO APARICIO ERROZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier  du dimanche à 17 h. Alcalá de Henares
Coordonne: Carlos Fernández del Ganso


Madrid, 9-1-02

 LA PORTE-DRAPEAU DE L’ADIEU

J’ai cru m’ignorer
et ça n’a pas été possible.
J’ai voulu t’abandonner
amour
pour me perdre définitivement
et ça n’a pas été possible.

La lucidité
est dans certains cas
une dague de vide
dans le cœur.

Je t’abandonnerai
quelque chose crie en moi :
Je t’abandonnerai.
Une vie dont personne n’a besoin 
vit en moi
assise depuis le début des jours
en attendant
la fin.

Je veux te séduire
je veux te séduire et cependant…

Je suis de la mort, me dis-je
je suis de la mort
et rien ne m’appartient.
Ailes noires
entre ses bras
je suis éternelle évanescence.
Tout ce qui se perd.

Je n’ai pas pu rester
je n’ai pas pu partir.

Je suis la porte-drapeau de l’adieu.
Quelque chose brille en moi.
Fugacité.
Mirage du désert.
Solitude brisée.

ELEONORA D’ALVIA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Mercredis 11,30. Buenos Aires
Coordonne: Lucía Serrano


Madrid, 10-1-02

LETTRE À UN POÈTE

Ami poète,
aujourd’hui c’est un jour de passage pour beaucoup,
aujourd’hui c’est un autre jour décisif pour tout poète.

Aujourd’hui le jour s’est levé comme d’habitude,
les rues désertes attendaient anxieuses
l’arrivée de l’agitation quotidienne, du mouvement.
Le ciel a rougi comme d’habitude
devant l’arrivée du grand astre
mais ensuite tout a été prêt et ordonné
quand les oiseaux ont volé erratiques sous le soleil.
Les maisons ont levé les persiennes de leurs yeux
pour laisser entrer la lumière récemment née
et les enfants sont apparus endormis sur les lits.

Aujourd’hui l’été des étoiles est arrivé,
les voleurs ont commis leurs vols
et les assassins ont exécuté leurs victimes,
tout semble en ordre et sans grands changements,
la mer est chaque jour plus noire et l’air plus épais,
mais rien de tout ça n’importe,
il nous restera toujours de la place pour les morts.

Aujourd’hui les mots voyagent serrés et brisés
dans des messages mobiles qui volent parmi les nuages,
les gestes ne sont plus importants
ni les regards qui se perdent,
ni les mains tendues qui attendent.

Je t’écris pour une bêtise:
hier, j’ai reconnu un vers de toi dans un geste,
ça a été un mouvement vers l’humain,
comprendre ou ne pas comprendre, ça n’a pas d’importance,
l’important c’est le mouvement.

FRANCISCO MANUEL GARCÍA PALANCAR
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h. Madrid
Coordonne: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 11-1-02

MORT

Fidèle comme un amant tu me poursuis.
Tu te caches dans la nuit
et tu guettes
comme un furtif chasseur
à la saison des petits
en faisant attention de ne pas être vue.

Tu sais
pour répéter la manœuvre,
qu’un jour je passerai devant ton viseur
et alors,
quand tu sauras que le dard certain
touchera infaillible le centre,
là et 
alors seulement,
tu tireras.

NORMA CIRULLI
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Dimanches 19h. Ibiza
Coordonne: Emilio Gonzalez Martínez


Madrid, 14-1-02

LES LUMIÈRES DE LA VILLE

La nuit abrite le pressentiment
lointain la rumeur s’écoute,
l’homme dans sa chambre
                                        écrit.

Ça aurait pu être n’importe quoi :
pierre, chapeau, chaise
paysage, sourire, berceau
temps, lys, hiver.

Mais il voulut connaître l’amour
et il choisit la parole.

ANGELA GALLEGO ABAD
École de Poésie Grupo Cero
Atelier  du dimanche à 17 h. Alcalá de Henares
Coordonne: Carlos Fernández del Ganso


Madrid, 15-1-02

POÈME
(AIR ET VENT)

Tu arrives en frappant d’autres visages avec furie
nous fustigeant désorientés,
par un chemin déjà marqué par le désastre.
Tu n’as pas bien mesuré tes forces.

Tu as pris des représailles de ton plein gré
sur des plateaux remplis d’amour
qu’aujourd’hui enfin, tu laisses orphelins
au milieu d’un été gris.

Ces jours-là durant lesquels une bouffée
de ton air limpide et pur
était agréable à prendre, se sont transformés
en une amère saveur d’acanthe.

Soudain tu disparais, et la seule chose que tu nous laisses
comme un legs, c’est la vision dévastatrice
d’un jardin sec, par une danse négligente.

JUAN BAUTISTA CUCARELLA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Lundi 21h. Madrid
Coordonne: María Chévez


Madrid, 16-1-02

ÉCRITURE

Ne t’obstine pas
à grimper dans
la nuit,
par les liserons
de mes ombres.

L’écriture est
UN CLOU,
qui me fixe sur la chaise
et fait remuer mes mains.

Elle bat,
et respire, et sent
le froid, elle se couvre
de lettres et de silences.

Il y a un homme dans le poème
un homme qui n’a pas peur,
il sait que ce qui est immortel
ce sont les mots.

L’écriture est
un clou,
qui me fixe sur la chaise
et fait remuer mes mains.

Il y a un air dans le poème,
un air qui vient
ramassant les vers,
un air d’autres poètes.

L’écriture est un sillon
par lequel le poète sait,
il doit mener  la charrue.

Mens-moi, dis-moi
que  n’est pas écrit
ce qui nous arrive.

ALEJANDRA MENASSA DE LUCIA
École de Poésie GrupoCero
Atelier Samedis 19h. Madrid
Coordonne: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 17-1-02

LE PRONOM NOUS

À Miguel Oscar Menassa

J’ai toujours eu peur de la guerre.
Ce n’est que  pour cela tu es à mes côtés,
as-tu dit, alors que la mort
promenait son triomphe au milieu des décombres.

Le temps s’est arrêté dans mes yeux.
Des légions d’hommes devenus fous
répétaient  une fois de plus l’histoire :
«Nous, nous avons la vérité,
criaient-ils, notre dieu est juste.»

Et ils construisaient des ennemis sur mesure
en de diaboliques conjurations sur papier:
faméliques esclaves de la douleur
la haine tatouée sur les os,
bannis de leur propre enfer.
Regards congelés par la surprise
cris noyés dans la chair
et la terreur envahissant la mémoire.

«C’est pour cela tu es à mes côtés»,
j’ai écouté et, pendant que je récupérais le souffle,
tes paroles prenaient positions.

Substantifs de toutes les races
entraînés à fond dans la métaphore
décidaient la stratégie.
Des bataillons de verbes à l’infinitif
définissaient des mouvements, calculaient
temps et mode, toujours au pluriel.
Prépositions en alerte maximum,
adverbes d’urgence en arrière garde,
technologie de pointe en adjectifs
et conjonctions copulatives
au cas où l’amour serait nécessaire.

En logistique,
des phrases, prières et paragraphes
approvisionnaient en ponctuation
et soutenaient les communications
dans le réseau ondulé du son.
Au commande, l’autorité suprême,
le pronom Nous,
cerveau et cœur
de cette armée intangible.

Sa voix a dilué ma cécité:
«Carmen, à votre poste».

J’ai changé d’alliés,
j’ai abandonné la peur de la guerre
et, depuis lors,
                   je marche à tes côtés.

Carmen Salmanca Gallego
École de Poesía Grupo Cero
Atelier Samedi 19 h. Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 18-1-02

POÈME AU NOUVEAU SIÈGE

Nous avons grandi dans des adieux
amarrés à de vieilles histoires
d’hommes qui ont traversé l’océan
pour laisser grandir après leurs mains
une histoire.

Nous sommes montés et descendus, nous avons fait l’amour en haute mer
et dans les oubliettes nous avons fait la guerre. Parmi les lettres
il y a toujours eu un homme qui voulait voler
et une femme qui se croyait maîtresse de l’univers.

Nous n’avons pas eu peur quand la faim a transpercé nos entrailles
et la haine a brisé notre cœur jusqu’à le faire quasiment disparaître.
Nous continuons de l’avant et nous voici : grands peintres, illustres écrivains
et quelques poètes qui veulent se distinguer dans le futur.

Nous parcourons la ville en traversant une rue.
Nous sommes en plein centre de l’histoire.
Nous n’arrivons nulle part et, cependant,
ces quatre murs de lumière blanche et de clins d’œil
de couleurs portent notre nom imprimé.

Chaque mot devra être transformé,
chaque phrase dite, chaque douleur écrite
et chaque vérité interprétée.

Voilà notre nouveau siège,
notre vie s’écrit entre ses lettres,
une histoire que nous construirons
pour des hommes qui ne sont pas encore nés
et qui, cependant, devront la vivre.

CRUZ GONZÁLEZ CARDEÑOSA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17 h.
Madrid
Coordinatrice: Carmen SalamancaGallego


Madrid, 21-1-02

LE NOUVEAU SIÈGE

Mots de futur
peints sur les murs,
entailles d’un dire
poli dans la beauté
dans la noirceur d’un espace ouvert.

Nous avons tout apporté
rien n’a servi pour nier qu’il y eut les autres,
rien n’a pu contre la force des heures,
rien n’a renversé les mains qui firent les murs
ni les larmes qui firent briller le sol.

Nous ne sommes plus les mêmes
mais il n’y a dans le ciel aucune marque
qui nous interdise d’être des occupants de la terre,
ce morceau  de terre nous appartient.

MAGDALENA SALAMANCA GALLEGO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier
Samedi 17 h.
Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 22-1-02

ELLE S’APPELAIT ELLE-MÊME
BÊTE DE LA LUMIÈRE

Elle s’appelait elle-même
bête de la lumière.

Elle mordait les possibles,
elle fonçait sur les murs du réel
en cherchant à remplir de sa matière
tous les espaces,
elle luttait toute seule et ils disaient
qu’une fois elle expulsa sa solitude
de ses territoires
en lançant des mots invisibles
contre son corps.
Le soleil étant fermement établi lui faisait mal,
tous les noms passés
qui pendaient, sans vie, de sa gorge
lui faisaient mal.
Elle grandissait, comme s’épanouissent les fleurs vers le néant
Sans espoir.

Pleine de haine, sa rage escaladait
les verdeurs de sa peau,
elle blessait ses bras,
ses jambes hurlaient pour être
terre connue,
elle arrachait, par sa seule existence,
le monde enfoncé dans ses entrailles.
Son regard se calmait un instant
dans un vers soumis à sa faveur
pour ensuite attaquer et ensanglanter
l’horizon.

Quelqu’un dans la distance
l’appelait,
et elle, désespérée, cherchait un coin
non traversé par les mots.
S’étant divisée, démembrée,
le son de l’Inévitable arriva jusqu’à elle.

Ses yeux sont tombés comme deux automnes
face au premier appel de la nuit.
Toute peau, trace des possibles, se levait à l’aube
abandonnée au silence.
Elle croisa avec son petit néant attaché à l’âme
l’avenir.

Racine de l’infini elle tomba,
Bête de lumière amoureuse.

ANDRÉS GONZÁLEZ ANDINO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17 h. Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 23-1-02

UN SEUL COUP

Aujourd’hui,
ici,
Seul.
Pour que jamais plus.

Le pied ne sera plus innocent,
la métaphore
utilisera l’adjectif décharné,
il mettra des ponctuations,
comme des couteaux froids,
traverser le cri.

Se tordre le cœur à partir du point final,
se recommencer,
une dissociation entre les mains,
les poulpes,
les phrases,
les ombres conspireront.

Cette tranchée est une nuit!
cet adjectif le corps,
le regard
un détournement d’oiseaux!

Mains errantes,
furtives,
implacables:
ton cœur bataille.

PILAR GARCÍA PUERTA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17 hrs
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 24-1-02

INCORROMPU TON CORPS

Quel mystère obstiné
notre étreinte…
Qu’il est incorrompu ton corps
sans trace, marque ou trait
qui me dise que non
qui me détienne.
Quelque chose se mouille en moi
et quelque chose s’allume
qui n’est pas lumière
c’est le ténèbre incendiaire du désir,
quand je te touche amour
quand je te vois.
Qu’il est incorrompu ton corps
que les années passées ne blessent
aucun de ses atomes
tremblante chair tremblante
qui défait
l’histoire millénaire d’impossibles.
Un vide au-delà d’être avec toi
c’est le désir féroce d’être avec toi..
et dans ce voyage je meurs
je me boulverse, j’hallucine

tout se mouille en moi
tout s’allume
         se brûle
               se consume.

INÉS BARRIO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Viernes 11.30 h.
Buenos Aires
Coordinatrice: Norma Menassa


Madrid, 25-1-02

TOUT EST BLEU

Les trompettes s’ouvrent
des coups de tambour
annoncent
l’arrivée.

Les ombres se plient
dans le soleil
Le clocher
est augure d’horloge.

Des fourmis une à une
en silhouette
dansent sur la terre
ces graines.

Tout est bleu,
aujourd’hui, même le cuir vernis brille.  

Du lac nu
émerge un navire
c’est le prélude,
une voix arrivera.

Silence.  

Silence.

Tranquilles,
voilà qu’arrive
ceinture d’esturgeon
dans l’air, liens lâchés
la brise.

Tous les invités réunis
la fête commence,
la première à parler, enrouée
et pausée, c’est la trompette,
le laurier écoute,
les fourmis dispersent
en épouvantail, le savoir.

Tout est bleu,
sur les limites tout est bleu.  

Le clocher demande la parole
et le tambour bégaye
un psaume.
Rien ne manque, la candeur
siffle, son hymne de nostalgie.
 

La fête terminera tard,
la couleur dormira le matin
en nature morte.  

Les voiles de bateau et de cire
indiquent, la route.  

Aujourd’hui les aveugles
dormiront au chaud.

Rien ne fouette l’air,
c’est le prélude, la marée.

Il y aura livres et pain
bois et lumière.  

Aujourd’hui tout brille,
tout brille,
sur les limites tout est bleu.

CARLOS FERNÁNDEZ DEL GANSO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 19hrs
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa  


Madrid, 28-1-02

POÈME AU NOUVEAU SIÈGE

Je mets sur tes épaules le poids
du monde, j’abrite certaines espérances
un paradis d’or et de riche marbre,
une croisée des chemins sans détention…
Variés sont les fruits de ton ventre,
fleurs du mal, pavots pour
l’entente, splendides couleurs
profilant les cheveux d’une triste dame,
nectars empoissonnés, jus
ardents dans la bouche assoiffée des quatre
cavaliers qui dévaste ma lointaine patrie.
Je fuis par les chemins où la destruction
est usine, mes pieds travaillent chaque
recoin, ils insistent dans leur labeur sans cause,
obstinés à trouver l’inespéré.

CONCEPCIÓN OSORIO CHINCHÓN
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h. Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 29-1-02

 UNE PASSION ME TRAQUE

Je vagabonde indéfiniment par les rues tranquilles,
une passion me traque.

Une passion sourde condamnant les rêves
dans la même chair qui a osé les rêver.

Marcher jusqu’à fatiguer le corps,
jusqu’à l’extrême exacte de la douleur connue,
jusqu’à sentir que c’est une audace
de faire les choses simples de la vie,
trembler et que la voix se sèche dans un bonjour.

Continuer à marcher sans géographies en vue,
désenchantement d’images qui ne forment pas de paysage
résistant à s’unir, à se réunir,
comme l’arbre et le lac, et le nuage flottant,
le sentier au loin et la fumée,
une fumée de fantaisie qui n’enveloppe pas l’ensemble.

Je vagabonde indéfiniment par les rues tranquilles
une passion me traque.

Avec un ordre poussant du rouge au vert,
les couleurs me soulèvent vers le ciel,
et une compassion maternelle pour moi-même
me pose soigneusement de nouveau dans la rue avec d’autres passants.

Une épaule mal courbée et une contorsion désespérée,
peut-être inutile,
me rappellent que le corps a des courbes,
des gestes, d’où se décide le faux pas,
l’ombre ridicule reflétée de ce qui apparaît
sans se laisser voir tout à fait,
et je me soumets à l’artifice.
Ensuite je me tranquillise, je m’assoupis,
je me laisse tomber dans cette mer morte d’émotions,
où la soie ne caresse pas la peau
et le ciel est un reflet d’absences.

Il n’y a pas d’étoiles,
il y a des absurdes et des signes de l’humain.
De petites phrases insensées mises entre les intervalles
consacrées à la poubelle et à la débauche.
Je demande à ce qui reste :
qu’est-ce qui vient dans les pages suivantes.

Je me suis fabriquée avec de fausses peintures une mer où j’ai pied,
impossible le naufrage.

Dans la conversation tant de choses manquèrent..
l’arôme du thé,
l’odeur pénétrante de fil déformé tant elle est obscure et sèche,
la promesse caillée sur la branche de jasmins
que je serre contre ma poitrine.
Le sentiment d’exister l’un pour l’autre
et ce que faussement je feins de répondre :
Je me suis sentie une intruse,
oui, j’ai été une étrangère.

Maintenant il pleut.
Je tourne le dos à la vitre où avec le doigt
je refroidis les lettres de ton nom.
Je sens et j’oublie en même temps.
Une nostalgie m’envahit
comme la vapeur d’un opium intime et autre.
Je vois des circonvolutions au-dessus de moi, plus hautes,
et mon corps se met dans une ombre de nuages silencieux.
Tout ce que nous avons été se perd tout d’un coup
comme se perd la lumière du soleil dans cet après-midi.

Pourquoi n’as-tu pas aimé mes haillons ?
Pourquoi ta main n’a pas tenté les voiles
ou a cherché mon autre main,
celle qui était libre, remuant, détournant, plaçant ?
Pourquoi ne m’as-tu pas aidé à trouvé le secret,
ce que la vie a en dessous,
le plaisir flou de supposer qu’il existe…

J’ai tellement cherché dans la vie,
je me suis embarqué dans tant de tempêtes,
et tout était tourbillon où je n’ai rien trouvé,
des vétilles, des odeurs,
une couleur verte obscure sur la robe claire,
la fraîcheur des joncs se courbant dans l’eau.

Mais il n’y a plus de lumière,
ce qu’il me reste est comme le soleil qui manque.

La pluie cesse,
une goutte tremblante se secoue et tombe,
contre le sol reste aplatit un globe cristallin.

Le bleu revient au ciel
sur un point que je ne vois pas.  

NORMA MENASSA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedi 19h
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa 
De su próximo libro "Me acosa una pasión"


Madrid, 30-1-02

L’HOMME

Nous avons traversé tant de guerres,
nous avons survécu à tant de massacres
que le passé a gardé entre les doigts
une saveur de plomb,
d’incendie.
La balle qui ne les a pas tués dans les tranchés
a augmenté nos possibilités de vivre.
L’homme s’arrange toujours pour créer au milieu de la mort, la vie.
Au milieu de la vie, l’homme se rappelle toujours la mort.
Nous peuplons les silences avec l’or de la terre.
Les rêves exubérants de l’amour ont effacé pour un instant l’horreur,
l’épée éternellement suspendue au-dessus de nos têtes,
le feu dévastateur de la vie.

Qui écrit le vers?
Qui ouvre chaque matin son corps mutilé pour le baiser ?
Qui serre la toile avec tant de force, avec tant de haine
que la toile devient univers, rituel répandu à travers le temps?
Qui baise la chair à satiété
jusqu’à ce que la chair se rende irrémédiablement?  

Qui ouvre ses ailes pour chercher le vent
pour mordre le temps
pour perdre des rêves le fil frémissant ?

Je ne me rends pas à la beauté.

Je suis la beauté de ta propre beauté.
Le jasmin perdu par les monts de l’hiver
le lys flottant abandonné aux eaux du destin.

Les vers
appellent les vers
les baisers sont les flammes soutenues du temps inachevé.

Si fort tu m’as voulu de vers
que vers je suis devenue.
Vers et chair indissolubles
pour qu’amour soutienne son temps.

Claire Deloupy
École de Poésie Grupo Cero
Atelier du samedi à 19h.Madrid
Coordinateur: Miguel Oscar Menassa 


Madrid, 31-1-02

POÈME

À Rosa Puchol

Les derniers silences restent pour toi,
les pâles conspirations avec lesquelles            
l’aube réclame ses droits.
Aujourd’hui tu as été l’imprécise,
la douteuse sensation d’être en vie,
tremblant sur les froides braises
de ce qui fut l’amour.

Ils restent pour toi son visage
ses mains bleuies par le froid,     
la couleur dépouillée
de ce qui fut son corps,
reposant sur ton corps,
définitivement docile,
unique et stérile
fidèle à ta mémoire.  

RUY HENRÍQUEZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17 h. Madrid
Coordinatrice: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 28-2-02

LE PARFUM EST UNE VOIX

Ta voix
            musique vivante
se tisse en univers naissant
fait exploser la pluie dans le plein été
les oiseaux assoiffés
les livres oubliés
                        par l’après-midi vide.

Ta voix
           douce cloche
réveille le soleil et le distrait
elle envahit les recoins du silence
joue sa chanson
                        et me sourit.

Ta voix
            alouette nouvelle
boit la rosée
ouvre les lèvres de la lune
devient guirlande
délicate urgence
parmi les fleurs
                        et les parfume.

PAULA MALUGANI
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Dimanches 19h.
Ibiza
Coordinateur: Emilio González Martínez


Selección de Poemas Inéditos

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