Madrid, 1-10-01

DIS
Apportez-moi des mots.
Yeux,vent:
                        (sortez du silence,
                         revenez à la nuit!
Apportez-moi la couleur déguisée des pleurs,
le son cristal évanoui
du froid d’avril,
le quartz coquelicot
qui balafre
ton dos
de carte d'incendie!
Faites-moi oublier la mémoire,
me mettre une robe de lèvre de lune,
marcher sur les pieds de la nuit
au coeur perdu.
Ensuite
j'enlacerai ton corps en demandant des patries,
un bois,
un échafaudage de nuages
et mes yeux,
j'oublierai mes yeux,
les jours,
les noms,
étranger de vent en ton langage
de ventre
d'écharde,
de hache.
Infini
l'ellipse
te remplira  d'un envoûtement de blanc silence:
embrasser de
 nouveau
ta bouche d'ombre radicale.
Ton âme orgueilleuse,
à personne,
perdue
s'emplira de lèvres
et de coquelicots.
PILAR GARCÍA PUERTA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedi 17 hs. Madrid
Coordonne: Carmen Salamanca Gallego

Madrid, 02-10-01

POUSSANT DANS LA MONTAGNE

À peine imperceptible
timide comme un hôte,
les deux petites mains dans le dos,
il lui murmura pour que personne ne l’entende
ni même elle…

                      Te souviendras-tu de la montagne?

Ce fut plus juste et plus courageux
que de demander
 Te souviendras-tu de moi?

La montagne c’était tout :
elle fondait un territoire.
Elle était amandier, elle était chêne vert
laurier et aubépine
de l’Espagne aimée.
Le voyageur qui descend
de la montagne à la vallée
n’apporte ni une poignée de poussière
ni un caillou indicible.
Il apporte seulement un mot
plus ocre et moins vert,
éloquence de la terre qui se tait
qui dira toujours:
 ils sont passés par ici.
Tu te souviendras de moi
se serait dissipé
comme un nuage au vent,
un destin impossible
pour cet amour d’enfants
venu de si loin….
Il décida de persister dans sa mémoire,
être versant argileux
oliveraie, clocher
très pure gentiane bleue et blanche
poussant dans la montagne.

INÉS BARRIO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Viernes 11.30 h Buenos Aires
Coordonne: Norma Menassa


Madrid, 3-10-01

NE ME CHERCHEZ PAS

Ne me cherchez pas parmi
les forêts envoûtantes
d’Océanie.

Je serai parti sans dos

Destination d’amphitryon
frère,
je ne garderai pas d’ombres
dans les arbres.

Ne me cherchez pas dans
les plis du caprice.
Personne n’informera.
Mes aventures sont
de frontière.
J’ai falsifié des hivers,
en sommet
de sable mouvant.

Ne me cherchez pas
sur la croupe
des cimetières
j’ai fui en ombres.
L’or gelé
n’a pas non plus marqué
mes pas.
Ne me cherchez pas
en codifiant des voies mortes.
Potier de nuit,
marchandise de lumière
je chevauche des océans.

Je suis de la souche,
écorce.
Je tombe et je mue à chaque semaille
une nouvelle chute.
Là vous pouvez chercher.

Je serai parti sans dos.

CARLOS FERNÁNDEZ DEL GANSO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 19hrs
Coordonne: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 4-10-01

POÈME D’AMOUR

Fruit mur, tu t’offres
à ma lèvre, rouge plaisir,
douce brise automnale. J’abrite
le délicat de ton erreur

parmi des murs infâmes,
ma négligente manière de
comprendre le temps de
l’amour, éternelle attente,

l’espace où tu es victime
sans délit, ce chaud baiser
marqué au feu sur ma peau.

Je suis une mouette sans destin,
tu es la mer qui m’éblouis,
qui me fait voler jusqu’à ton être.

CONCEPCIÓN OSORIO CHICHÓN
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h. Madrid
Coordonne: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 5-10-01

POÈME

Une lumière intense reflète des rougeoiements au milieu des rues.
La fin du jour tombe légèrement au milieu du paysage,
tout est calcaire et sec et la côte se dissout dans une autre côte.
Il y a des châteaux, des châteaux dans l’air où habitent des duchesses 
et tout est d’une autre époque.

Moi qui n’écris pas depuis si longtemps,
qui ne vis pas depuis si longtemps,
je suis là dans le crépuscule opposé,
regardant le feu froid
et j’assiste au simulacre.
Suis-je d’un côté?
je parcours les murs visibles de cette pièce
et pour l’habiter je lui colle des fragments de mes rêves
de vagues toiles blanches et des tracés obscurs,
des choses de rien qui traînent le son de mes doigts.

Il y a un retour de pages et l’histoire continue
mais je demande à l’argument :
qu’est-ce qui est plus haut que mes mains ?
et tout est plus haut,
il y a une cime que je n’atteins pas et mon âme
prisonnière dans ce corps
perd la dignité et accepte le délire.
Je ne sais pas pourquoi, je le note soudain,
je repasse les devoirs et c’est l’occasion d’être gaie
mais celle qui pense ainsi de moi, est derrière moi,
elle me touche l’épaule et je m’évanouis.

Des mensonges de la lumière et des vers comme des étoiles
dissolvent les parties de mon corps et je sors du brouillard.

Je lève la tête et il n’y a nulle part
des chuchotements de ville
mais je parle avec les maisons, les pierres, les enseignes et le ciel.

Moi qui n’écris pas depuis si longtemps,
je suis ici et je m’exerce à ce poème.

Dans cette atmosphère et dans cette alcôve à laquelle j’appartiens
sur cette terre castillane qui abrite des rêves à moi
avec des bruits de manque d’eau
où j’intercale mes méditations:
Tout ce qui existe est, peut-être, parce qu’autre chose existe.
Moi qui ne vis pas depuis si longtemps,
j’ai encore les mains fortes
et je tisse avec elles les fils invisibles
de pays distants jouant à la différence.
Je me remplis de questions, je me défais de formes,
je me perds par les rues, j’applaudis un autre drapeau,
je suis une convalescente infatigable de maux que je n’ai pas,
furtive, je tombe amoureuse d’hommes étrangers,
j’ai l’illusion de vents dansant.
Mais il y a ce qu’il y a , c’est la faute du vers,
il y a quelque chose de subtil, d’incompréhensible,
une notion de l’inconnu
qui rend inutile la mémoire,
une obstination de ce qui ne veut pas être interrompu
il y a que je peux ne pas vivre quand je n’écris pas
mais il y a des jours qui tombent comme des neiges de silence
où je stagne comme un lac désert
dans un paysage qui n’existe pas.

NORMA MENASSA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier du samedi à 19h. Madrid
Coordonne: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 6-10-01

OMBRES AQUATIQUES

Ta main  pose sans répit
des mots noirs sur la toile blanche.

 Oh ! toile d’araignée

tu attrapes dans tes filets de mots
des cœurs égarés par les marées.

Le vent ne se rend pas.

Infatigable compagnon des mers
il ouvre dans le cœur une arène incandescente
taureau blessé à mort qui ne mourra pas.

Claire Deloupy
École de Poésie Grupo Cero
Atelier du samedi à 19h. Madrid
Coordonne: Miguel Oscar Menassa 


Madrid,7-10-01

PRENDS NOTE

Grève dans la matière
le pressentiment et l’ombre
la perplexité nue
de te trouver seul,
mortel dans  ta tâche,
unique dans ton silence,
comme une seule note,
comme une lettre supendue à l’abîme,
sur le point de glisser de ta bouche.

Là termine l’humanité,
là commence l’événement déchiqueté,
le saut vertical de l’agonie.

Déployant ainsi,
les fragiles instruments du poème,
la syllabe incertaine,
le papier humide de sa structure,
vacillant de l’ongle au doigt,
comme une promesse impossible à remplir,
tu seras pour une fois,
l’illusion de l’écrit,
l’éphémère immortalité de ses paroles.

RUY HENRÍQUEZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedi à 17 hs.
Madrid
Coordonne: Carmen  Salamanca Gallego


Madrid, 8-10-01

BACH

Montant les échelles agiles de Bach,
deux à deux,
chaussant les pieds du dérèglement et les notes
grimpant par un do ré mi fa,
de vers en vers,
chaude molécule d’amour en danse,
en danse de salon,
pas à pas,
les tuniques du vent marquant, fatiguées,
tes fesses aux massifs parfums.

Jour après jour
dans l’huile crispée du silence,
sur la table quotidienne
-aujourd’hui-
et avant que le soleil ne reste en suspens dans ton regard,
je plonge l’antique poignard d’un vers amoureux,
amour d’amours,
dans le lys ébloui par l’ombre,
dans la fleur de fer de tes clôtures automnales.

Perdu, attrapé dans tes humides vestibules
à l’aveuglette je chante avec la voix de celui qui
-une gorgée après l’autre-
encourage à la non rencontre,
à la fécondité des restes
et à la soif éteinte des scories
qui peu à peu,
conquièrent les vies et allument nos corps,
au milieu des bourrasque enfouies, aléatoires,
comme le poids de l’humus entre mes jambes.

EMILIO GONZÁLEZ MARTÍNEZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier du dimanche à 11 hs. Madrid
Coordonne: Miguel Oscar Menassa  


Madrid, 9-10-01

PRENDS  NOTE

 J’apporte l’enclave parfaite de l’horreur
ici, dans mes mains,
serrées comme l’extase,
ma pensée crispée
comme une tempête, houle grise
les nerfs brisés
comme des cristaux aux pieds nus.

Le bric-à-brac de chaque jour,
arêtes de nouvelles impitoyables
avortant l’intelligence du jeu d’échecs
bruit de moteurs et d’asphaltes frappés,
insultes comme des roches insurmontables
tempérant la folie,
des continents de rage ignorés
qui se cernent à mes dents,
chaînes justifiant les fers de cette condamnation.

J’apporte tout ceci, alors
prends note de cet échec tempéré par l’encre
                                adouci par la compagnie
                                converti en baume par les verbes
prends note, que ce poème aurait pu être une guerre
                                                                                  et nous

ses victimes.

EVA MÉNDEZ HERRANZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordonne: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 10-10-01

POUPÉE CAPRICIEUSE
PAR SON TALENT

Aucun geste aimable ne m’a fait penser qu’il s’agissait de l’amour.
Sans souffrir les pas détenus, j’ai aimé les plus grands dangers et j’ai abandonné mes envies pour obtenir des victoires.
J’ai même pensé que je n’avais pas de cœur, ni d’âme, que j’étais une poupée programmée pour être parfaite et admirée.
L’univers m’aime et cependant ça n’est pas suffisant pour être heureuse.
Comment arriveras-tu à l’horizon, si tu t’es habituée à vivre sans lui et qu’il ne te manque plus?
Poupée capricieuse par son talent, qui osera la défier, en l’aimant?
Il n’a jamais été génial au point d’être esclave de ses grands désirs.
Elle a vécu près de ceux qui ne savaient pas aimer et face aux triomphes superficiels dont elle n’avait pas besoin, elle est devenue rebelle pour être isolée.
Elle a renoncé aux miracles du temps, elle s’est tue.
Talent capricieux d’une poupée programmée.

 LUCÍA SERRANO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Dimanches 11h Madrid
Coordonne: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 11-10-01

UN BON POUR LA MORT

Tu m’as offert un bon pour la mort
un jeu effiloché à monter
chaque après-midi,
une traversée pour distraire
parmi les syllabes,
un pas de chimère.

Un bon pour mourir, une ombre
criant ses éclairs,
un proverbe qui assume son héritage,
sa réplique à transformer.

Tu m’as offert, des naufrages impossibles
des portes oubliées où
persiste le mouvement,
des lumières volées aux rêves,
des entrepôts humides de désir.

J’arrache des pas au mot
au silence froid,
je donne pendant chaque vague
un temps
déboutonné à un autre temps,
je laisse au mot son indépendance,
son audace
m’offrant une vie.

CLÉMENCE LOONIS
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordonne : Carmen Salamanca Gallego 


Madrid, 12-10-01

IL Y A DES JOURS

Il y a des jours où j’entends une voix:
Inconciliable revendication
où l’homme s’épuise
dans le vivre sans rêves.

Parfois il s’institue
dans le cercle parfait
dans l’habitude de la mort.

 Si au moins les vents,
ta distance,
se pliaient à la ceinture
et, parmi les ombres
la lumière proclamait l’obscur,
alors ombre et lumière
sépareraient une lèvre de l’autre,
déchiffreraient la peau qui nous couvre,
la voûte qui s’abat au réveil.

Parce qu’il y a des jours où les rêves
effacent le vent sud,
et ensorcelés dans leur vol
ils parcourent chaque destin de la matière.

Il y a des jours où se dégage
une passion dans les ténèbres.

Les fils de la mort se brisent:
estocades au mot luxure,
à la douleur du mot père,
au mot.

PILAR IGLESIAS NICOLÁS
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedi 17h. Madrid
Coordonne: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 13-10-01

ELLE ET LUI

Ils dansaient vertigineusement
autour du monde.

Lui et son pâle visage;
Elle et le calcul parfait,
pluie d’oiseaux morts,
les fleurs se séchaient
au rythme de la musique;
inoculation mortel était sa danse.

Lui ne mourait jamais;
Elle,
sa vie n’était pas en vie.
Exacerbation de folie universelle,
séquelles incalculables.

Lui, de sa montagne,
surveillait tout le ciel et toute la terre.
Elle, elle habitait sous la terre
cachée à la lumière,
inaccessible.

Ils dansaient vertigineusement
autour du monde:
Lui et son pâle visage;
Elle et le calcul parfait;
à pas de rock tombaient les missiles:
Elle et Lui un amour impossible.

JORGE FABIÁN MENASSA DE LUCIA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedi 17,30 h. Madrid
Coordonne: Alejandra Menassa de Lucia 


Madrid, 14-10-01

LENT RITUEL

Je sais que nous n’avons pas encore pu ces délices  infinies
et que la couleur marécage reluit parmi les gens.

Je sais que tes mains font du feu dans mon dos
comme un lent rituel où nous brûlons.

Toucher le passé
est l’unique péché que nous ne commettrons pas.

Nous danserons une danse sous le soleil
nus des yeux
en écoutant les oiseaux se poser
sur la table encore dressée.

Il y aura tant d’amour, je le sais
je t’aimerai comme personne
comme je n’ai aimé personne
je t’aimerai féroce
féline
fébrile
comme personne
comme jamais.

MARCELA VILLAVELLA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Vendredi 11.30 hrs. Buenos Aires
Coordonne : Norma Menassa


Madrid, 15-10-01

POÈME À MAGDALENA

J’ai cru ne pas pouvoir,
et son sourire m’a entraîné jusqu’au point où les rêves esquivent la ville.

J’ai cru ne pas pouvoir,
et sa main amie m’a rappelé son contact de siècles dans ma voix.

J’ai cru ne pas pouvoir,
et son corps de femme
a épelé mon nom
parfois entre des forêts fugitives
parfois entre des délires de fumée et de métal.

J’ai cru ne pas pouvoir,
j’ai regardé,
je l’ai vue,
le vide a perdu de l’altitude
et sa silhouette
a incendié les horloges.

HERNÁN KOZAK CINO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17h Madrid
Coordonne: Carmen Salamanca Gallego 

Madrid, 16-10-01

LE POÈTE

Il y a des jours où la désolation nourrit mes sens,
vautour affamé qui parcourt mon corps dépecé.

Elle, elle aime les mots jamais dits,
la présence de l’innommable.

Et moi qui sent si réelle cette douleur 
je délie des combinaisons impossibles,
magma pétrifié dans chaque pore de ma peau,
masque colonisant qui me laisse devant toi,
encore, petit pour te nommer.  

Il y a des jours où le printemps noie des mots simples
dans des bains de lumière et de tempête, de mort et de folie.

Elle, enchaînée au mot,
saute agitée vers l’abîme.
Respiration entrecoupée
entre le paroxysme du plaisir
et une triste mélodie à l’odeur de futur.

Moi, j’envie quand mon haleine se paralyse,
quand je tombe détruit à la merci de tes reproches.
Ensuite, je détache mes chaînes,
et la folie attrape mes délires.
Je suis le poète.

MANUEL MENASSA DE LUCIA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis 17,30 h. Madrid
Coordonne: Alejandra Menassa de Lucia


Madrid, 17-10-01

QUAND

Quand dans la chair habite une haine inconnue
et dans le cœur une tristesse étrangère.
La pensée est résidence de rébellions sauvages
et la soif ne s’éteint ni avec des tortures
qui épouvantent le tortionnaire.

Comme une mer déchaînée je clame le lendemain
sentier impénétrable qui défend l’infini.
Comme un imperturbable amour je clame la tombe
ténèbres pour quand le soleil ne se lèvera plus.

J’ai voyagé vers ton sein ma dame
comme un ver nécessiteux et perpétuel
j’ai parcouru tous les sentiers et les mystères
comme un bureaucrate du sol et de l’amertume
traînant sur moi comme un cadavre, l’espoir
qui ne meurt jamais…. ni même de mort
qui ne s’éteint ni avec des larmes.

AMELIA DÍEZ CUESTA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Samedis: 19hrs. Madrid
Coordonne: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 18-10-01

AUJOURD’HUI L’IMMÉDIAT SANS EXCUSES

Aujourd’hui l’immédiat sans excuses.
Aujourd’hui un vide en bouteille, des nausées obscurantistes, solistes à la voix laide
Un dire lumineux inquiet arrive dans une opacité sans crevasse ni fissure.
Des airs montagnards asphyxient les tombes citadines où les balcons bercent
le destin de la fleur.
Aujourd’hui un arbre me tend les bras, il m’invite à me reposer
en rêvant d’un temps non passé, ce devenir inégalable.
Je secoue les branches de ma maison, je fréquente des moineaux et des tourterelles
dans la pénombres quiète de la cour.
Des gazouillements insistants m’apportent des odeurs campagnardes
et étendent devant moi une pampa infinie,
peuplant le ciel et le fleuve voluptueux, assoiffé de sel.

Je veux ne pas m’arrêter, ni même pour oublier.
Des vomissements fétides, les guerres entre frères
pour le butin, ce trésor fait de lames d’argent
et de coutures d’huître perlière arrachée à l’océan silencieux de l’éternité.
Aujourd’hui l’immédiat sans excuses abandonnera sa place encerclée,
            sa tour et sa hauteur
à demi démolies.
Je le plie et le garde avec pitié dans un tiroir, à la serrure inviolable
et c’est la poésie, qui en cache la clé.

MARÍA CHÉVEZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier dimanche: 11 h. Madrid
Coordonne: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 19-10-01

À L’AUBE

Il tournait autour des choses avec une beauté intervenue.
Son nom et sa famille couvraient comme un dieu monothéiste
la multiplicité douée de sens,
comme ces guerres de principes.
Certains matins quelque chose d’essentiel le réveillait,
comme un abcès vidé de son pus.
Quelque chose de terrible volatilisait ses tourbillons
et un poisson perfide lui signalait la direction des murailles.
Parfois il se passionnait, comme si en cessant d’exister
sa chair se transportait jusqu’à la cime
ou les dieux dévastaient son aspect terrible,
et abandonné à la facilité d’un fantoche
il se remplissait d’images et de formes.
Pourquoi se surprendre si de nouveau à l’aube
il rencontrait une sorte d’inconcevable.
Il devait se convertir en force, marcher dans l’abîme d’un dé
où les siens nouaient son destin
versant en pleine surprise
les traits militaires enveloppés de sang.
On l’a vu alors agiter les mystères
et attribuer aux profanes la caractéristique
d’un culte aux dieux ennemis.
Indiquant les excès, une ombre dédoublée,
comme un mâle qui ignore les oracles,
jetait au chaos les aspects enflammés de vieux rituels.
Toute sa démarche s’approchait de ses bras ouverts
et dans les guerres un signe dans chaque objet
criait une chronologie de cruautés sans date
un monstre qui glissait innocent
appliquant son intelligence à sa première victime.
Et il oubliait avec plasticité les reflets
et un silence se concevait dans son geste.
Dix mille torches brûlaient sur la muraille
tandis que le spectacle de vierges à cheval
sautait par les fenêtres comme un vent frais
qui équilibrait en une formule corrosive
les volontaires défis de chaque indécision.

FERNANDO ÁMEZ MIÑA
Escuela de Poesía Grupo Cero
Atelier Samedi 17 hs. Madrid
Coordonne : Carmen Salamanca Gallego
 


Madrid, 20-10-01

SILENCE DE SEPT COULEURS

Rassemblant les jours où j’ai vécu à Buenos Aires
en nuits de rires et voyages à fond, l’après-midi
se repose des montagnes de plans, avec des citoyens
en santé et bal populaire.

Pucará et Tilcara nouvelle rencontre, enterrée
maintenant dans un vent étouffé.
Régions du nord que porte mon sang, gravé
en amours, je trouve caille et « ua ua ».

Distillant  je tremble et je peux même accoucher
de la lumière sur des vitraux de   vif-argent   guerrier.
Montagnes aimées aux sept couleurs,
je veux dans ce  chant vous regarder de nouveau
je veux dans ce chant couleurs vous voir de nouveau.

Je peux le faire maintenant, assise dans la brise
qui en feuilles de trouvaille  , attend tout en tatouant
ses mains au vent.
Je m’approche et je te touche terre d’ambitions.

J’approche en comparses le vacarme ouvert
 ambitieux chevalier servant, de fleuves  qui escaladent
des passions guerrières, commence le concert.
Je livre mes doutes, angoisse sans vergogne. 

Tu es enfin arrivé, j’ai cru, que tu étais mort.

STELLA CINO NÚÑEZ
École de Poésie Grupo Cero
Atelier du dimanche à 11. Madrid
Coordonne: Miguel Oscar Menassa


Madrid, 21-10-01

OUBLIER ME DISTRAIT

Oublier me distrait
rêver des dieux et de l’écume
et arquer le reflet sur tes contours.

Chants assombris
à demi-jour,
 fragrances égarées
en mon nom
-à haute voix-.

LIDIA ANDINO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier du dimanche à 11 h. Madrid
Coordonne: Miguel Oscar Menassa


Madrid,22-10-01

JE SURVIVRAI

Roses d’un jardin dépeuplé,
marques indélébiles du désamour.
Mes espoirs meurent
à peine si un homme meurt,
mots libérés à un océan de lumière.

Je survivrai malgré ma vie,
je récupèrerai les chagrins les plus profonds
et je voyagerai aux entrailles de la mort.
Seule, dans l’immensité qui m’accompagne,
paysage lunaire où mes traces
laisseront la marque de mon pas.

HELENA TRUJILLO LUQUE
École de Poésie Grupo Cero
Atelier du samedi à 18h Málaga
Coordonne: Amelia Díez Cuesta


Madrid, 23-10-01

LES EFFETS

Demain probablement, quand toute la nuit sera tombée
je promènerai ton amour sur les versants élancés
la sagesse naissant de tes lèvres ouvertes
le silence brisé, racine de vol, j’arrive informe
à notre rendez-vous amour, et je me révolte de tant de regard,
tant de parchemin arraché au néant.
Un peuple avec des ailes de vent,
c’est une main qui écrit, un corps dansant
les notes précises qui accompagneront ton néant.
Tu provoques en moi des houles et un vacarme d’argent
je suis toute entière vol, je m’abandonne à ta quiétude sonore.

PAOLA DUCHÊN REYNAGA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier du samedi à 19h
Coordonne: Miguel Oscar Menassa
Atelier du samedi à 19h
Coordonne: Carmen Salamanca


Madrid, 24-10-01

IL PLEUT AUSSI DANS LA MER

Pas seulement dans tes yeux
ni dans la vallée qui cède au fleuve des privilèges périodiques
ni dans la voix de tes hanches
-sourire,
pleine lune atroce,
labyrinthe bleu-
il pleut aussi sur la mer.

MONTSERRAT ROVIRA
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Dimanches 19h Ibiza
Coordonne: Emilio González Martínez


Madrid, 25-10-01 

LE PAIN EN DEUX

Il n’est pas non plus
dans l’armoire le pain,
ni sur la table,
ni dans le magasin;
mes mains le pétrissent
en le laissant germer
de lui-même,
de puissantes racines poussent
sur les tendres bourgeons
comme un don.
Profondeur dans ce croûton
il divise ce qui est divisé.
J’assouvis ma faim,
je nomme le pain de chaque jour,
miette par miette
il me regarde du miroir
et tombe.
Le pain en deux d’une faim éparpillée.
Je lève le regard suppliant
et le ciel m’écrase.
Le pain en deux
sème la bouche de mots,
de mots de pain dans cette nudité
qui insiste pour dire.

Promesse qui alimente
le travail de pétrir.

ÁNGELA CASCINI
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Vendredi à 11.30 h. Buenos Aires
Coordonne: Norma Menassa


Madrid, 26-10-01

LA PROCHAINE FOIS

Après tout,
ça ne sera 
qu’une fois de plus,
quand l’amour
et l’ombre se rejoindront.
Seulement une fois de plus
je serai mesquine près de toi.
Et nous serons seuls,
marqués par le temps,
pour le plaisir misérable,
de ces tristes baisers.
Et je serrai mon cœur
contre ta poitrine.
Seulement une fois.
La prochaine fois.

PILAR NOUVILAS LARRAD
Escuela de Poesía Grupo Cero
Atelier Samedi 17 hs. Madrid
Coordonne: Carmen Salamanca Gallego


Madrid, 27-10-01

DÉFICIT ZÉRO

Comme humain
je n’ai pas d’autre alternative que faillir
et cependant
je m’aime mal toute entière pour moi.
Miroir multiplement brisé
reflète ce chaos, cette jouissance immortelle.
Je me suis glissée par les bords de ma peau,
j’ai touché le fond dans la crypte du non être,
j’ai amerri sur la surface sombre de l’amour.
Et je suis partie.
Horizon nouveau
s’engendrant hors de moi.

OLGA DE LUCIA VICENTE
École de Poésie Grupo Cero
Atelier du Samedi à 19h. Madrid
Coordonne : Miguel Oscar Menassa


Madrid, 28-10-01

 ELLE ET LA MER

D’une vague à l’autre
il y a le temps d’une vie.
De ses vagues à mes yeux
il y a la distance de la mort.
V. Huidobro 

Voilà la mer.
Majestueuse quiétude,
elle porte en elle
le cœur 
de l’agonie nocturne.

Des sirènes et leur Neptune
naviguent d’incommensurables fantasmes.

Je sais, mer, que tu me prédestines,
une Alfonsina éternelle dans tes entrailles,
une digue pirate
ancrée
dans le fond du néant.
Un célèbre bateau coulé
et son trésor.

Ah, mer,
comme ton secret est profond.
Comme il est vaste l’horizon de baleine bleue
harponnée par dix hommes armés,
par dix pauvres hommes.
Ne voient-ils pas son destin de mère ?
Ne connaissent-ils pas sa place dans le coin le plus austral
de cette planète?

Oh, mer
verte mer,
miroir de couleurs
qui séduit les indiens et les blancs,
les noirs
amenés par la force déchaînée de tes vagues,
aux fils de cette terre,
assassinés pour l’or
à ceux-là ,mer,
coule-les pour toujours
enterre-les dans le corail.

Et moi,
moi, ton amoureuse,
fais-moi tienne, mer,
pénètre-moi,
couvre d’algues mon corps,
et sauve-moi.

Baise mes lèvres
comme tu baises les abîmes
des côtes les plus braves,
des falaises.

Sauve-moi, mer
fais de moi ton héritière.
Pur sel
flottant sur les rives.

ALEJANDRA MADORMO
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Vendredi 11.30 h. Buenos Aires
Coordonne: Norma Menassa


Madrid, 29-10-01

TEMPÊTES DU SACRÉ

Je vole sur des terres dorées un paradis minéral.
T’aimer est l’éclatement volcanique
la lumière habitant mon corps.
Je naufrage de tes rondeurs de lune,
ailes dans la peau.
Aujourd’hui, j’aspire à la tempête du sacré.
J’ai été marquée par le feu
pour transporter la liberté du poète,
qui ne craint rien.
Il supporte de l’être sa chute.

BETINA ALFIERI
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Mercredi 11,30 h. Buenos Aires
Coordonne:  Lucía Serrano


Madrid, 30-10-01

JE SUIS ICI

Je suis ici
statique dans le pressentiment
comme la nuit, quand
elle tremble en ta présence.

Je pressens tes élégantes parures
bordées de la lettre qui réveille.

Indio Gris :
en attendant ton arrivée,
j’ai survécu à la léthargie quotidienne,
à tant de guerre…

PAULA MALUGANI
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Dimanche 19h Ibiza
Coordonne: Emilio González


Madrid, 31-10-01

 RÊVES FRAGILES

Forêt noire
fureur de poissons
brûlant pour revenir.
Sauts impossibles,
rêves fragiles.
Des licornes s’ébattent
dans les yeux baissés
de tes pupilles,
elles ont choisi le rêve des oiseaux.
Ta voix, ta voix qui au milieu des murmures
indiquait un sentier éthéré,
pâleur ocre du monde,
inaccessible entre
tes jambes de purpurine bleue,
chaudes, hautes, sages,
tes seins de bronze écarlate,
ce fut un bourgeon parfait de lumière.
Lumière, lumière entre la pâleur lunaire
de tes lèvres et la joie impétueuse
de tes mains
de tes mains de roses,
de roses rouges.
Des rêves, rêves forts,
noués à ta langue verte,
verte de jardins immenses.
Cette fois-ci nous ne nous arrêterons pas
nous continuerons le rêve.

JORGE MONTIRONI
École de Poésie Grupo Cero
Atelier Mercredis 11h30h. Buenos Aires

Coordonne: Lucía Serrano
Du livre inédit « Destins de femme »


Selección de Poemas Inéditos

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